Inconnu du grand public, Jean-Michel Blanquer a déjà acquis une certaine réputation au sein de l’Education nationale, dont il est désormais le ministre. Ancien directeur de la prestigieuse école de commerce Essec, cet agrégé de Droit public de 52 ans fut surtout Directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) de 2010 à 2012, un poste considéré comme celui de numéro deux de l'Education nationale.
Auparavant, il a été tour à tour conseiller du ministre de l’Education Gilles de Robien (2006-2007), recteur de l'académie de Créteil (2007- 2010) et de celle de Guyane (2004-2006). Selon certains de ses anciens collaborateurs cités par l’AFP, c’est dans le cadre de ce parcours au sein des rouages de "l’Educ’ Nat‘" "qu’il acquiert le surnom de "boîte à idée". "Il s’y forge la réputation d’un recteur bouillonnant – ‘l’hyperrecteur’ –, donnant son feu vert à tous types d’expérimentations", écrit de lui le journal Le Monde.
Des idées qui sont devenues pérennes
Parmi ces "expérimentations", on trouve ainsi la création d’un "cartable en ligne", un espace internet sur lequel peuvent se connecter élèves, professeurs et parents pour accéder à des cours et autres ressources pédagogiques. Jean-Michel Blanquer avait donné son feu vert pour cette expérimentation lorsqu’il était à la tête de l’Académie de Créteil, et le "cartable" est toujours proposé aujourd’hui dans certains établissements. "Sa méthode ? Partir de toutes les propositions du terrain et les explorer sans a priori. […] Dans ce rectorat de Créteil, le deuxième de France, il fourmille d'idées de plus en plus remarquées : il fait chanter la marseillaise aux écoliers, invente des stages de ‘tenue de classe’ pour les professeurs", poursuit le Figaro.
" Une perversion du sens de l'école et des objectifs de l'éducation nationale "
Lorsqu’il était à la tête de la DGESCO, c’est aussi lui qui donne son feu vert à la création à titre expérimental d’une "mallette des parents", un ensemble de ressources pédagogiques destinées aux parents et recensées sur le site internet éponyme. "Vous y trouverez, en téléchargement libre, des ressources, des supports méthodologiques et des documents illustratifs adaptés à chaque niveau. Le site propose également des fiches-action décrivant des projets mis en œuvre dans des établissements et éprouvés, que vous pourrez vous approprier et adapter pour, ensemble, repenser les conditions du dialogue entre l'École et les parents au service de la réussite de tous les élèves", lit-on sur le site de l’Education nationale. Pour l’instant, les établissements peuvent proposer cette mallette de manière facultative. Mais durant sa campagne, Emmanuel Macron a promis de développer le dispositif et d’inciter les équipes pédagogiques à davantage s’appuyer dessus.
D’autres idées plus controversées
Si certaines initiatives de Jean-Michel Blanquer ont perduré, d'autres ont en revanche connu un destin plus bref. C’est à lui que l’on attribue, par exemple, le projet de rémunérer les élèves pour lutter contre l'absentéisme, via une cagnotte collective par classe. Le projet, expérimenté à Créteil en 2009, prévoyait de rémunérer les élèves qui faisaient montre, tout au long de l’année, d’assiduité et de civisme. La somme devait ensuite être utilisée pour financer un projet éducatif (voyage, achat de matériel etc.). L’expérimentation a finalement tourné court, enterrée avant même la fin de l’année scolaire face à l’indignation d’une partie de la communauté éducative et des parents d’élèves. La FCPE, principale fédération de parents d’élèves, avait ainsi dénoncé une "perversion du sens de l'école et des objectifs de l'éducation nationale".
" Allier le meilleur de la tradition et le meilleur de la modernité "
C’est également à l’Académie de Créteil qu’il impulse la création du premier "internat d’excellence", à Sourdun, en Seine-et-Marne. Le principe : regrouper au même endroit des élèves brillants issus des milieux défavorisés. Mais le concept, toujours en vigueur, est loin de faire l’unanimité. Si plusieurs études ont régulièrement montré une amélioration des résultats des élèves en mathématiques, l’effet n’est pas avéré pour les autres matières. Or, ces mêmes études dénoncent le coût du dispositif : 19.000 euros par élèves, contre 11.000 euros en moyenne dans un établissement du secondaire. "Ce dispositif accroît la stigmatisation et les difficultés scolaires des quartiers populaires et s'avère ruineuse pour une rentabilité pédagogique nulle", dénonce aujourd’hui le site Café pédagogique.
Des idées parfaitement Macron-compatibles
Reste une question : sa "boite à idées" sera-t-elle mise à contribution pendant le quinquennat qui vient ? En réalité, Emmanuel Macron a déjà largement puisé dedans. L’an dernier, Jean-Michel Blanquer publiait en effet l’Ecole de demain (édition Odile Jacobs), dans lequel il émettait plusieurs propositions très précises pour l’école. Et beaucoup d’entre elles ont été reprises par le candidat d'En Marche ! : la division par deux des élèves par classe de CP et CE1 et le recrutement d’enseignants dans les zones d’éducation prioritaire, la défense de l’autonomie des établissements scolaires, la création de stages de remise à niveau pour les élèves en difficulté ou encore la mise en place d’études dirigées le soir pour les collégiens.
Dans sa philosophie générale, également, le nouveau ministre est en parfaite adéquation avec son président de la République. Ne se disant ni du côté des "pédagogistes" ni des "traditionalistes", Jean-Michel Blanquer prône la création d’une "troisième voie" pour l’école. "La France a tous les atouts pour trouver une troisième voie qui sache allier le meilleur de la tradition et le meilleur de la modernité", écrivait-il début mai dans une tribune au Point. Et de conclure : "le cartésianisme et la créativité sont deux caractéristiques qu'on peut reconnaître à notre pays, dont l'alliage peut donner le meilleur métal éducatif. Et, de fait, les pays qui réussissent cela sont en train de faire la différence".