Jeudi, le Conseil constitutionnel a largement censuré la loi immigration, rejetant de nombreuses mesures de durcissement adoptées à l'Assemblée nationale sous la pression des députés de droite. Les articles du gouvernement ont été validés par les Sages dans leur quasi-totalité, contrairement à ceux proposés par les députés Les Républicains. Au lendemain de cette décision, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'exprime en exclusivité sur Europe 1 et l'assure : "c'est une loi très ferme, donc oui, c'est celle que je voulais".
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"C'est une loi qui donne énormément de moyens au ministère de l'Intérieur, puisque jamais la loi de la République n'a été aussi ferme, aussi dure avec les étrangers délinquants. Jusqu'à présent, je ne pouvais pas, les préfets ne pouvaient pas éloigner du territoire national des personnes qui commettent des crimes, mais qui, par exemple, s'étaient mariés en France avec une Française ou un Français, qui avaient des enfants en France ou qui étaient arrivés avant l'âge de 13 ans en France. La loi aujourd'hui validée intégralement par le Conseil constitutionnel nous permet, même si quelqu'un est arrivé à l'âge de 6 mois sur le territoire national et qui commet un crime à 19 ans, d'être expulsé, éloigné", détaille le ministre de l'Intérieur au micro d'Europe 1.
Pour Gérald Darmanin, la promulgation de la loi immigration permettra "des dispositions de lutte contre l'immigration irrégulière très fortes" mais aussi "contre les logements insalubres, contre les entreprises qui embauchent des personnes irrégulières, contre le système d'auto-entrepreneur qui crée des systèmes de régularisation sauvage", notamment dans le secteur des VTC ou de la livraison à domicile. Le ministre de l'Intérieur se félicite aussi de la mise en place "de mesures d'intégration et d'exigence", comme le fait "de passer un examen de français et de devoir le réussir pour avoir un titre de séjour".
"Les LR payent leur volonté d'embêter le gouvernement en votant la motion de rejet"
En tout, 51 des 86 articles du projet de loi ont été validés par les Sages, et si Gérald Darmanin estime que "beaucoup de mesures de droite ont été reprises dans ce texte", cet avis ne semble pas partagé par les députés de droite, notamment RN et LR. Quelques minutes après l'annonce du Conseil constitutionnel, Eric Ciotti a posté sur X un message fustigeant le fait que les Sages "ont jugé en politique plutôt qu'en droit. Cette censure était attendue par Emmanuel Macron et la gauche". Ce que rejette le ministre de l'Intérieur : "Si le projet de loi initial du gouvernement comptait 26 articles et qu'ils ont été validés par le Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel a retenu 51 articles. C'est-à-dire qu'on a quand même doublé le nombre d'articles dans le débat parlementaire et que beaucoup d'amendements de la droite ont été retenus et vont être la loi de la République."
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Selon Gérald Darmanin, le gouvernement avait prévenu les députés de droite que certaines mesures seraient rejetées par les Sages. "Il y avait aussi beaucoup de choses dont on avait dit aux responsables politiques, à monsieur Marleix en premier, que ce n'était pas raisonnable, que ce n'était pas bien fait, que la procédure n'était pas respectée." Avant d'ajouter : "Je pense que les LR payent aujourd'hui leur volonté d'embêter le gouvernement en votant la motion de rejet. Finalement, il n'y a pas eu de débat parlementaire à l'Assemblée nationale [qui] sert à justement avoir des mesures qui, sur la forme, sont retenues par le Conseil constitutionnel. Ils n'ont pas voulu jouer le jeu de la co-construction et ils le paient aujourd'hui contre l'intérêt général du pays."
"Il faut arrêter d'attaquer le Conseil constitutionnel"
Quant au fait que les députés de droite se disent "roulés dans la farine", Gérald Darmanin considère "qu'il y a un petit côté arroseur arrosé. Il a fallu aller vers le compromis politique dans des situations qui n'étaient pas simples. Les LR auraient pu co-construire avec nous de manière raisonnable, comme le fait un parti de gouvernement. Ils ont choisi pour une partie d'entre eux, à l'Assemblée, de jouer avec la France Insoumise en votant cette motion de rejet et puis ensuite d'écrire la loi en quelques heures."
Le ministre de l'Intérieur considère également qu'"il faut arrêter d'attaquer le Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, c'est l'arbitre du match parlementaire, il ne faut pas attaquer l'arbitre parce que quand on attaque l'arbitre, ça veut dire qu'on n'a pas été très bon soi-même. Le Conseil constitutionnel, logiquement, a censuré la procédure, la forme que n'ont pas respecté les LR, plutôt que le fond. Je rappelle que je l'ai moi-même dit plus de quinze fois à la tribune de l'assemblée du Sénat. Je regrette qu'ils ne m'aient pas ou qu'ils ne nous aient pas écoutés", conclut Gérald Darmanin au micro d'Europe 1.