Confier l’organisation de la COP21, l’un des grands rendez-vous du quinquennat de François Hollande, à Laurent Fabius et Ségolène Royal, était-ce vraiment une bonne idée ? Certes, de par leurs attributions ministérielles l’un étant chargé des Affaires étrangères, l’autre de l’Ecologie, les numéros 2 et 3 du gouvernement étaient incontournables. Mais leur inimitié, connue de tous, est telle que la collaboration entre les deux leaders socialistes n’est guère que de façade. En coulisses, les coups pleuvent, illustrant un conflit qui ne date pas d’hier.
"Il est allé chouiner chez le président". En Chine, les deux ministres ont donné une preuve de plus de leur éternelle brouille. Partageant l’affiche mais jamais une parole, ils se sont ignorés ostensiblement pendant les deux jours de la visite, selon Le Parisien. C’est que sur la COP21, le litige a débuté dès la nomination de Ségolène Royal en avril 2014 au ministère de l’Ecologie. Jusqu’alors, Laurent Fabius avait les coudées franches, mais l’ex-candidate à la présidentielle, en 2007, n’est pas femme à se mettre en retrait. D’emblée, elle réclame des attributions que bien sûr, son collègue du gouvernement lui refuse.
L’affaire remonte à François Hollande, prévenu par son conseiller à l’environnement, Nicolas Hulot, inquiet de voir la bisbille franco-française fragiliser la COP21. Alors le président tranche, comme souvent, en tentant de contenter les deux partis : Laurent Fabius conserve la présidence de la COP21 et les négociations internationales, quand Ségolène Royal récupère le siège de la France lors de la conférence, et se charge de la société civile. Et comme souvent, personne n’est content. "Il est allé chouiner chez le président", persifle Ségolène Royal, relate L’Express. "Elle est allée pleurer à l'Elysée 'Il m'a pris ma gomme !'", rétorque Laurent Fabius, toujours selon l’hebdomadaire.
Ping-pong médiatique. La brouille continue donc, et alors que Laurent Fabius observe un silence sur le sujet, Ségolène Royal glisse quelques tacles. Ainsi en juin 2015, alors que des négociations de l’ONU s’ouvrent à Bonn, en Allemagne, avec le ministre des Affaires étrangères, sa collègue de l’Ecologie lâche dans Le Monde : "les négociations de l’ONU sont totalement inadaptées à l’urgence climatique. En privé, tout le monde le dit, tout le monde en est parfaitement conscient, mais la lourdeur du processus est telle qu’il se poursuit comme si de rien n’était. (…) Il faut que Bonn obéisse à des instructions politiques des chefs d’Etat et de gouvernement. Sinon, les négociateurs, qui sont là depuis 15, voire 20 ans, vont continuer leur folklore." On a connu sorties plus solidaires.
Le voyage en Chine est donc la dernière illustration du conflit latent entre les deux ministres. Selon Le Parisien, à peine l’accord avec le pays hôte signé, Laurent Fabius met en avant, devant les journalistes, l’importance de ses contacts directs et de deux coups de fil de 45 minutes avec le négociateur chinois pour parvenir à cet accord historique. Ségolène Royal a vent de l’histoire, alors à Séoul, l’étape suivante, elle rappelle opportunément aux journalistes que La France - comprendre le ministère de l’Ecologie - "a voté très concrètement tous les engagements que les autres pays s’apprêtent à prendre à Paris". A toi, à moi. Mais à l’approche du rendez-vous parisien, ce ping-pong médiatique commence à se voir. Et pourrait devenir gênant.
Le contentieux de 2006. Si Laurent Fabius et Ségolène Royal s’apprécient si peu, c’est qu’en 2006, ils ont été concurrents pour être désigné candidat du PS à la présidence de la République. Face à une adversaire portée par les sondages et la popularité, l’ancien Premier ministre avait lâché quelques saillies drolatiques. "Je préfère dire: voici mon projet, plutôt que mon projet c'est Voici", avait-il lâché en référence à la ‘pipolisation’ de Ségolène Royal. Puis cette sortie, restée dans les annales de la petite phrase politique : "qui va garder les enfants maintenant?". Des traits d’humour qui n’avaient pas franchement fait rire l’actuelle ministre, dont la rancune est quasiment proverbiale. Et que Laurent Fabius éprouve désormais chaque jour.