Fillon : une tribune sur la santé qui ne clarifie rien

La question de la santé devient de plus un plus un boulet pour celui qui ambitionne de gagner l’Elysée en 2017.
La question de la santé devient de plus un plus un boulet pour celui qui ambitionne de gagner l’Elysée en 2017. © Thomas SAMSON / AFP
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En répondant à ses détracteurs par un long texte dans Le Figaro, le candidat de la droite à la présidentielle n’a pas levé les interrogations sur ses intentions. Au contraire.

La Sécu, talon d’Achille de François Fillon ? Depuis plusieurs jours, le programme du candidat de la droite est attaqué, par ses adversaires mais aussi par quelques-uns de ses camarades, sur ce point précis. Alors l’ancien Premier ministre a dégainé lundi soir une tribune dans Le Figaro, afin de clarifier sa position et de mettre fin au débat. C’est raté. Car de principes généraux en imprécisions, le vainqueur de la primaire de la droite n’a pas apporté l’éclaircissement nécessaire. Et la question de la santé devient de plus un plus un boulet pour celui qui ambitionne de gagner l’Elysée en 2017.

Des grands principes, et peu de concret
Dans sa tribune, François Fillon se contente surtout d’aborder les grands principes. "L'Assurance-maladie obligatoire et universelle, pilier de la solidarité, doit rester le pivot dans le parcours de soins dont le médecin généraliste est l'acteur clé", écrit-il ainsi. "Il n'est pas question de toucher à l'Assurance-maladie et encore moins de la privatiser", insiste-t-il. Dont acte.

 

Mais pour le concret, il faudra patienter encore. Peu de mesures précises sont évoquées par l’ancien Premier ministre, sinon l’abandon du tiers-payant généralisé et la création d’une "Agence de régulation et de contrôle" pour piloter l’association assurance maladie-assurances complémentaires. Une administration de plus donc, pour celui qui regrette, quelques phrases plus loin, que la France est "l’État d'Europe le plus administré". François Fillon affirme enfin sa volonté de lutter contre les déserts médicaux en misant davantage sur les maisons médicales et la télémédecine.

Exit les "petits" et "gros risques"
Les plus perspicaces auront surtout remarqué que certaines expressions utilisées par François Fillon pendant la campagne de la primaire de la droite ont disparu. Et ce sont souvent celles qui avaient fait le plus polémique. Fini donc les notions de petits risques et de gros risques, les premiers devant être pris en charge par les complémentaires, les seconds par la Sécu. Fini aussi la distinction entre affections graves et maladies bégnines, dont le remboursement devait répondre à la même logique. Bref, c’est "le panier de soins solidaires", l’un des pans de son projet présidentiel, que l’on trouve toujours en ligne, qui est abandonné. Le principe : focaliser "l’assurance maladie notamment sur les affections graves ou de longue durée, et l’assurance complémentaire sur le reste".

Evidemment, ce recul n’a pas échappé aux adversaires de François Fillon. L'exercice n'a ainsi pas convaincu la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui a dénoncé sur RTL "le brouillard le plus absolu." "François Fillon ne dit pas explicitement dans cette tribune que ce qu'on appelle les 'petits risques', les rhumes, les angines de l'hiver, ne seront plus remboursés. (...) Je crois qu'il cherche purement et simplement à embrouiller les Français", a-t-elle réagi. Jean-Christophe Cambadélis a lui moqué sur Twittter François Fillon en "Dr Jekyll et Mr Hyde".

Mais dans son camp aussi, on a noté le changement. En s’en félicitant souvent, comme Jean-Pierre Raffarin. "Il revient à la position gaulliste de la Sécurité sociale, je salue cette clarification", a déclaré sur Europe 1 l’ancien Premier ministre, qui n’a pas caché la position délicate dans laquelle se trouvait son candidat. "C'est un peu le piège des primaires, on gagne la primaire à droite et après la présidentielle, il faut la gagner au centre", a analysé celui qui avait soutenu Alain Juppé.

Un boulet pour la future campagne ?
François Fillon n’est donc pas sorti du flou, et cela risque encore de peser sur sa campagne présidentielle à venir. Dans son camp en tout cas, le malaise est palpable quand il s’agit de défendre la position du candidat en la matière. "Ce n'est pas du renoncement. François Fillon n'a pas varié d'un cil", a ainsi osé Jérôme Chartier sur BFMTV mardi matin. Mais quand il s’est agi de savoir si des remboursements seraient transférés vers les complémentaires, comme François Fillon l’avait affirmé à plusieurs reprises : "La réponse est non. Ce n'est pas ça l'objectif", a assuré le député de Val d’Osie, parmi les plus proches de l’ancien Premier ministre. Qui a donc eu bien du mal à faire l’exégèse de la tribune de son champion, rappelant même à plusieurs reprises que le système qu’il propose était aussi "ce qui existe déjà aujourd’hui".

L’exercice d’équilibriste est donc compliqué, entre un candidat à la primaire qui a basé sa campagne sur le discours de vérité et l’inflexibilité de ses propositions, et un candidat à la présidentielle soucieux d’élargir son spectre électoral. Le renoncement sur la santé pourrait d’ailleurs en appeler d’autres. Revêtir les habits d’un prétendant à la fonction suprême et tenter de convaincre au mois 51% des Français est sans doute à ce prix.