Etape décisive ce mercredi dans l'affaire Fillon : la Cour de cassation examine les pourvois de l'ancien Premier ministre François Fillon, de son épouse et de son ex-suppléant, condamnés pour des emplois fictifs à l'Assemblée nationale.
Dans sa décision qui doit être rendue plusieurs semaines après l'audience, la Cour de cassation peut rejeter ces recours, rendant les peines définitives. Mais elle peut aussi casser la décision de la cour d'appel, partiellement ou totalement, et ordonner un nouveau procès.
Une décision de la cour d'appel en mai 2022
Le 9 mai 2022, la cour d'appel de Paris a prononcé à l'encontre de l'ex-locataire de Matignon, aujourd'hui âgé de 69 ans, une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an ferme, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité pour des emplois de collaboratrice parlementaire fictifs de sa femme.
Penelope Fillon s'est vu infliger deux ans de prison avec sursis ainsi que 375.000 euros d'amende et Marc Joulaud, ancien député suppléant de François Fillon dans la Sarthe, trois ans de prison avec sursis, avec des inéligibilités respectives de deux et cinq ans. Les prévenus ont en outre été condamnés à verser 800.000 euros de dommages et intérêts à l'Assemblée nationale.
Les trois protagonistes ont toujours protesté de leur innocence depuis l'explosion du "Penelopegate" en 2017, en pleine campagne présidentielle dans laquelle François Fillon était le candidat de la droite et du centre. Ils ont tous trois formé des pourvois devant la Cour de cassation, qui contrôle le respect des règles de droit et non le fond des litiges.
Quelle défense ?
Mercredi à 10h00, la haute juridiction se penchera sur les arguments des avocats au conseil François-Henri Briard et Patrice Spinosi. L'avocat général s'est prononcé pour un rejet de toutes les critiques formulées sauf une, et il a proposé une solution juridique qui clôturerait l'affaire, a-t-on appris de source proche du dossier.
Premier enjeu de cette audience, la Cour doit déterminer les conséquences d'une décision constitutionnelle. Dans le cadre du pourvoi, Me Briard a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a été transmise au Conseil constitutionnel. Sans se prononcer sur le fond, ce dernier a abrogé le 28 septembre 2023 un alinéa d'un article de loi qui concerne les délais dans lesquels un justiciable peut soulever des nullités de procédure.
Par la suite, la Cour de cassation pourrait estimer qu'il faut réexaminer la demande d'annulation de la procédure - qualifiée de "biaisée" par la défense de François Fillon - et ordonner un entier nouveau procès. Elle pourrait aussi estimer que la cour d'appel a déjà suffisamment motivé sa décision pour rejeter cette demande et qu'un troisième procès n'est pas nécessaire.
Les avocats au conseil soulèvent d'autres arguments : ils soutiennent notamment que les faits sont prescrits et que les prévenus ne peuvent être déclarés coupables de détournement de fonds publics, complicité et recel, selon une source proche du dossier.
Ils contestent par ailleurs deux éléments du volet civil de l'affaire, mais aussi la motivation de la peine de prison ferme prononcée contre François Fillon, ainsi que les condamnations pour complicité d'abus de biens sociaux concernant l'emploi de Penelope Fillon à la Revue des deux mondes.