Sa parole est rare, mais Christiane Taubira reste une observatrice avisée de la vie politique et sociale. Interrogée par le JDD, dimanche, l'ancienne ministre de la Justice estime notamment que le mouvement des "gilets jaunes" "doit" absolument avoir un débouché politique pour continuer à exister. Pour elle, la gauche a d'ailleurs une "très lourde" responsabilité dans cette crise.
"Ils font vivre la démocratie et c’est une chance". L'ex-Garde des Sceaux souligne d'abord le côté "ambigu" de la mobilisation, qui a vécu son "acte cinq" samedi. "Il y a à la fois du sublime et des traces de choses abjectes", observe-t-elle, préférant toutefois retenir qu'"il s’agit d’un vrai soulèvement populaire : des citoyens, constatant que les espaces traditionnels d’expression démocratique n’existent plus, prennent d’assaut l’espace public pour faire monter leur parole. C’est un acte aussi innocent qu’orgueilleux. Ils font vivre la démocratie et c’est une chance". "Quand la démocratie en est réduite à une apathie telle qu’il faille un tel soulèvement pour la secouer, même sans ligne directrice ni perspectives, c’est un réveil salutaire", juge encore l'ancienne ministre.
"Pour déboucher politiquement, ce mouvement doit être légitime". C'est justement à la construction de perspectives qu'appelle Christiane Taubira. Selon elle, le mouvement "doit" avoir un débouché politique. "Un mouvement social sans débouché politique ne laisse que le sillage d’une révolte", argumente-t-elle. Mais "la violence dessert la cause. Pour déboucher politiquement, ce mouvement doit être légitime. Or, la violence contribue à l’invalider".
L'état de la gauche ? "Désespéré et désespérant". Près de trois ans après son départ du gouvernement, Christiane Taubira reste enfin particulièrement critique envers la gauche, dont elle est elle-même issue. "Sa responsabilité est lourde, très lourde, sur le passé, sur le présent", assène-t-elle, avant de ressortir les couteaux quand on lui demande ce que lui inspire l'état de la gauche actuellement : "Il est désespéré et désespérant". La gauche, ajoute-t-elle, "doit dégager très vite une perspective, au lieu de continuer à bavarder, rabâcher, radoter des choses informes et insensées".
"Je me réfrène". Christiane Taubira n'entend pas pour autant revenir en politique de sitôt : "Je n’ai pas les moyens de transformer mes convictions, mes analyses en programme. Donc je me réfrène. Je refuse de bricoler", explique-t-elle. Et de prévenir tous ceux qui la presse de les rejoindre, notamment en vue des élections européennes, en mai prochain : "Je ne serai ni une caution, ni un instrument".