"La primaire, première et dernière" ? C’est ce que souhaite ardemment l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy Brice Hortefeux après la claque subie par François Fillon dimanche. Un réquisitoire à charge mené aussi à gauche, alors que Benoît Hamon a réalisé le pire score d’un candidat socialiste à la présidentielle depuis 1969. “De cet épisode, je tire une conclusion : il ne doit plus y avoir de primaires dans les partis de gouvernement”, dégoupillait même François Hollande dans un entretien au Point, une semaine avant le crash électoral annoncé dans les sondages.
Plébiscitées par des partis politiques en perte de vitesse, les primaires citoyennes servent aujourd’hui de défouloir pour expliquer, en partie, l’échec des candidats PS et LR. Analyse lucide ou procès d’intention ? Europe 1 liste les raisons d’en faire (ou non) un punching-ball.
Oui, elles sont loin d'être parfaites
Plombé par les affaires pour l'un, marginalisé au sein de son propre appareil pour l’autre, les deux candidats désignés n’ont pas réussi à capitaliser sur la dynamique des primaires. Un "problème conjoncturel" plus que le fait de ce processus démocratique, estime Daniel Boy, directeur de recherches au CEVIPOF. "A droite, personne ne se doutait que l’affaire Fillon allait éclater", rappelle le politologue. A gauche, "l’état du PS a abouti à désigner un leader qui ne pouvait pas représenter l’ensemble de son camp."
Dans les deux cas analyse Daniel Boy, "les primaires ont désigné le mauvais candidat." Qui souligne : "Le principal problème dans tout cela, c’est qu’elles n’ont pas prévu de 'retour en arrière'. Il n’y a pas de mécanisme de régulation si, en route, le candidat vole en éclats."
Oui, elles prennent le risque de "lasser" les électeurs
En prolongeant la campagne de plusieurs mois, les primaires ont pris le risque de renforcer la lassitude des électeurs. "C’est l’autre point noir. Les primaires ont allongé considérablement un temps de campagne déjà jugé très long par les électeurs", assure Daniel Boy.
Un constat surtout adressé à la primaire de la gauche. Organisée à trois mois du premier tour de la présidentielle, celle-ci a été taillée sur-mesure pour François Hollande avant qu’il renonce à concourir à un second mandat. Conséquence : pour le candidat désigné, le temps pour rassembler sa famille politique a été extrêmement court. Exposant ainsi au grand jour, à l’image des tractations interminables entre Benoît Hamon et le candidat d’Europe-Ecologie Les Verts, les petites cuisines d’appareil dans une période de campagne cruciale.
Non, elles remplissent leur rôle démocratique
Qu’on le veuille ou non, le système des primaires a eu des effets positifs sur le débat électoral. "Les deux primaires ont été les moments de la campagne où on a vraiment eu l’émergence de propositions et de vrais débats d’idées", décrypte Adelaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion. "Les débats ont plutôt bien été organisés et son organisation a montré une certaine efficacité de la démocratie", juge également Daniel Boy.
C’est aussi une période (de novembre à fin janvier) où les citoyens se sont particulièrement passionnés pour la vie politique. Le 27 novembre, 4,4 millions de Français se sont ainsi rendus aux urnes pour désigner le candidat de la droite, battant le record de participation pour ce type de processus. Deux fois moins attractive en terme de votants, la primaire de la gauche n’en a pas moins intéressé 42% des Français et deux tiers (64%) des électeurs de gauche.
Non, elles redorent (un peu) l’image des partis
Face à des partis en perte de légitimité, les primaires citoyennes ont d’abord été présentées comme un "nouvel espace démocratique" censé répondre aux aspirations des électeurs. "Aujourd’hui, c’est un peu facile de taper sur les primaires, mais le problème numéro 1 reste quand même la mauvaise image des partis aux yeux des Français", rappelle le politologue Daniel Boy.
Pour le chercheur du CEVIPOF, il sera d’ailleurs "très difficile" pour le Parti socialiste ou les Républicains de supprimer ce dispositif. "Cela renverrait une image désastreuse, celle d’une reprise du jeu politique par un petit comité." A contrario, rappelle-t-il, rien n’empêche les partis de tirer conclusion des erreurs passées pour mieux les organiser à l'avenir.