Il leur reste une petite journée avant la confrontation. Benoît Hamon et Manuel Valls se retrouvent mercredi, à 21 heures, pour le débat d'entre-deux tours. L'enjeu, différent pour chacun, est énorme pour les deux. L'ancien ministre de l'Éducation, arrivé en tête du premier tour, doit encore transformer l'essai. L'ex-Premier ministre, lui, a dû se contenter d'une seconde place. Ce grand oral doit lui permettre de renverser la vapeur. Et de prouver que son concurrent a certes su séduire l'aile gauche du Parti socialiste, mais que lui est capable de ratisser plus large.
"Offensif" contre "serein". À positions différentes, état d'esprit différent. Du côté de Manuel Valls, on sort les griffes. "Il est offensif, il veut clarifier", explique son porte-parole, Olivier Dussopt. En face, "Benoît Hamon se prépare tranquillement. Il est confiant, serein, calme… contrairement à certains", glisse malicieusement le fidèle de l'ancien ministre de l'Éducation, Régis Juanico. Allusion au tour nettement plus brutal que prend la campagne d'entre-deux tours. Depuis dimanche soir, les coups pleuvent sur le favori, pilonné par les vallsistes. Tout y passe : son programme économique bien sûr, jugé irréaliste, mais aussi un supposé laxisme avec l'islam radical.
" Benoît Hamon se prépare tranquillement. Il est confiant, serein, calme… contrairement à certains "
"L'objectif, c'est de poser les questions". Le débat, qui se concentrera sur les questions liées au travail et à l'environnement, mais aussi à la sécurité et au terrorisme, permettra à Manuel Valls de poursuivre sur cette lancée. Sans oublier de détailler son propre programme, notamment "ses mesures en faveur du pouvoir d'achat", l'ancien Premier ministre veut "poser les questions", détaille Olivier Dussopt. "Est-il normal, avec un revenu universel, de verser la même somme à Liliane Bettencourt et à quelqu'un au chômage ? Et comment financer cette mesure ?" Sur les thématiques sécuritaires, Manuel Valls compte mettre Benoît Hamon face à ses responsabilités. "Est-ce que quelqu'un qui n'a pas voté la prorogation de l'état d'urgence en 2016 peut assurer la sécurité des Français ?" De fait, l'ancien ministre de l'Éducation, redevenu député après son renvoi du gouvernement en août 2014, n'avait pas pris part aux votes sur l'état d'urgence en février, décembre et juillet dernier.
Autre angle d'attaque de Manuel Valls : la "cohérence du parcours" de son adversaire. "C'est bien beau de crier au libéralisme à propos de Manuel Valls, mais Benoît Hamon était au gouvernement lors du vote de l'accord sur la compétitivité et la sécurisation de l'emploi, ainsi que du pacte de responsabilité", rappelle Olivier Dussopt. "Et il n'en est pas parti en 2014, il a été viré. Le mot peut sembler un peu fort, mais il y a une forme de duplicité."
"On ne variera pas d'un pouce". Chez Benoît Hamon, on assure que le favori du scrutin n'est pas inquiet. "On ne variera pas d'un pouce", prévient Régis Juanico. "Benoît Hamon a déjà fait preuve, lors des débats précédents, de solidité lorsqu'il a été attaqué sur son revenu universel." Au contraire, l'ancien ministre compte sur la multiplication par quatre de son temps de parole –n'étant que deux, chaque orateur pourra parler une heure, contre un gros quart d'heure lorsqu'ils étaient encore sept candidats– pour "faire de la pédagogie, rentrer dans les détails". Et expliquer que ce revenu universel, "cela ne fait pas que coûter, cela rapporte aussi à l'économie", martèle Régis Juanico.
La laïcité au cœur du débat. Pas d'inquiétude affichée non plus sur le thème de la laïcité et du communautarisme. Manuel Valls peut bien estimer, mardi sur Franceinfo, qu'il "y a des ambiguïtés, des risques d'accommodement de la part" de Benoît Hamon vis à vis de l'islam radical, l'ancien ministre de l'Éducation est droit dans ses bottes. "Dans son action d'élu local [à Trappes], Benoît Hamon est extrêmement engagé contre les dérives radicales. Et sa conception de la laïcité, c'est celle de la loi de 1905", assure Régis Juanico. "C'est celle de Manuel Valls qui est clivante. Avec des polémiques comme celle du burkini, il a profondément fracturé la gauche."
Des échanges "plus épicés" mais sans "caricature". Les échanges promettent donc d'être plus nombreux que lors des débats précédents. "Lors d'un débat à sept, il est très compliqué de répondre, il n'y a aucune possibilité de répliquer", note Olivier Dussopt. "Là, ils seront deux. Il y aura plus d'interpellations, plus d'interactions." Régis Juanico souligne quant à lui que "c'est la logique de l'entre-deux tours que d'avoir des affrontements plus épicés". Pas question, cependant, de "tomber dans la caricature", affirme-t-on dans l'entourage de Manuel Valls. "On ne sera pas dans quelque chose d'aussi brutal que ce que peuvent lancer les soutiens des uns et des autres dans la presse depuis deux jours." Un peu à l'image, finalement, de l'entre-deux tours de la primaire de la droite. Le clan Juppé avait multiplié les invectives dans les médias mais le maire de Bordeaux s'était montré très mesuré lors du débat. Ce qui ne lui avait néanmoins pas permis de stopper la dynamique de François Fillon.