Un gouvernement "bâti pour durer" Dans une interview accordée à France inter jeudi, la première depuis sa nomination à Matignon, Édouard Philippe est revenu sur le choix des ministres et des secrétaires d'Etat qui constituent la première équipe gouvernementale du quinquennat. Le premier ministre a également dressé une feuille de route, mise en place à partir du projet défendu par Emmanuel Macron pendant la présidentielle.
Le gouvernement des promesses tenues
"Le président de la République m'a donné des consignes assez claires : il voulait une parité entre les hommes et les femmes. Il voulait que le gouvernement nommé puisse refléter l'effort de recomposition politique que nous sommes en train de mener", a expliqué Édouard Philippe, justifiant son souci d'associer des personnalités dont l'engagement partisan a pu être à droite, à gauche et au centre, mais aussi des membres de la société civile. "Il fallait arriver à cet équilibre. Ça n'est pas un exercice facile", reconnaît-il.
La règle du non-cumul sera appliquée au gouvernement, souligne-t-il. Ainsi Jean-Yves Le Drian devra notamment quitter la direction de la région Bretagne, Gérard Collomb la mairie de Lyon et François Bayrou celle de Pau. "C'est une consigne claire. Il n'a échappé à personne que je suis maire du Havre", a rappelé le nouveau chef du gouvernement. En outre, les ministres battus aux législatives ne seront pas reconduits au sein du gouvernement, précise-t-il.
Economie : une ligne politique à droite ?
Bruno Le Maire, député LR, a hérité mercredi du ministère de l'Economie, alors même qu'il a pu exprimer durant la campagne des positions opposées à Emmanuel Macron dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l'augmentation de la CSG ou la transformation de l'ISF. "Les choses sont claires, le président de la République c'est Emmanuel Macron, c'est lui qui a remporté le plus de suffrage à l'élection présidentielle. […] C'est donc autour de lui et de son projet que les Français se sont rassemblés pour que notre pays avance", balaye Édouard Philippe pour qui "le cœur" de la politique à conduire reste celle du "programme d'Emmanuel Macron et évidemment une forme de souplesse, d'intelligence et de discussion à chaque fois que cela sera nécessaire".
"Le clivage droite/gauche n'est pas opérant, il y a à droite et à gauche des gens qui ont envie de se retrouver dans une politique qui vise le progrès", soutient-il.
Nicolas Hulot, une prise de choix
"S'il s'engage cette fois ci, il le fait parce qu'il trouve un contexte politique qui lui est favorable, avec une volonté de rassembler, pas de cliver", estime Édouard Philippe. Et pourtant, la question du nucléaire soulève un doute quand à la cohésion de la nouvelle équipe, l'ancien animateur y étant formellement opposé alors même qu’Édouard Philippe a été directeur des Affaires publiques d'Areva.
"Est-ce que ça veut dire que, par définition, je verrai dans le nucléaire la solution à tous les problèmes d'énergie ?", relève le locataire de Matignon. "La question c'est de savoir comment on organise la production d'électricité pour les 50 ans qui viennent en ayant en tête l'impératif de sûreté et de sécurité, l'impératif de souveraineté et le nécessaire impératif du développement des énergies renouvelables. […] Il y a de perspectives extraordinaires en matière de développement renouvelable, je le sais et je partage totalement ce point de vue avec Nicolas Hulot", explique Édouard Philippe qui plaide pour un développement "rapide et massif" de ces énergies, suivant la feuille de route définie par la feuille de route du président de la République.
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Notre-Dame des Landes : un médiateur pour trancher
C'est un dossier qui pourrait semer la discorde au sein du gouvernement, Nicolas Hulot étant fermement opposé à l'ouverture de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. "Nicolas Hulot ou pas, c'est un sujet compliqué", avoue Édouard Philippe. "L'ensemble des autorités administratives et juridictionnelles se sont prononcées pour un feu vert au projet, et quand il y a eu un référendum, les électeurs se sont prononcés pour le projet. On ne peut pas rayer cela d'un trait de plume", rappelle-t-il, alors que "la tension sur place est à un point considérable".
Nous prendrons une décision qui sera assumée et qui sera claire
"J'ai été nommé ministre il y a 48 heures, je ne considère pas que l'on soit en mesure de prendre un choix clair sur Notre-Dame-des-Landes. Il y aura un médiateur qui va permettre de mettre l'ensemble des choses sur la table, et ensuite nous prendrons une décision qui sera assumée et qui sera claire".
Une loi sur la moralisation de la vie politique : "Je ne prétends pas à l'exemplarité"
Hautement symbolique, elle sera la première loi portée par Emmanuel Macron, avant même le renouvellement de l'Assemblée nationale en juin : une série de mesures pour davantage de transparence et de contrôle des activités des élus. "Je suis parfaitement conscient du fait que si l'on veut rétablir le lien de confiance qui est distendu entre les Français et les hommes politiques, et en vérité avec tous ceux qui occupent des responsabilités, il faut que l'on fasse mieux que ce que nous faisions auparavant", a déclaré Édouard Philippe, pourtant lui-même épinglé par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique pour ne pas avoir renseigné l'ensemble des demandes dans sa déclaration d'intérêt et de patrimoine en tant que député en 2014. "Je ne prétends pas à l'exemplarité", concède-t-il.
Il se trouve que l'impératif de transparence absolue ne m'a jamais enchanté
"À titre personnel, je n'aime pas beaucoup parler de ma vie privée, il se trouve que l'impératif de transparence absolue ne m'a jamais enchanté", avoue-t-il. "J'ai répondu à un certain nombre de questions lorsqu'elles étaient posées avec une forme de mauvaise humeur, elle n'est jamais bonne conseillère. Je crois que l'incident est clos puisque la Haute autorité a indiqué d'abord qu'elle avait désormais suffisamment d'éléments pour répondre aux questions qui étaient posées, et par ailleurs j'ai obtenu quitus de ladite Haute autorité pour les déclarations de patrimoine que j'ai faites ultérieurement", a assuré le Premier ministre.
Conduire la bataille des législatives… contre LR
Sa position à la tête du gouvernement l'amène à devoir prendre la tête de la campagne présidentielle pour les législatives, et donc à s'opposer aux candidats investis par sa famille politique d'origine. Une position qu'Édouard Philippe veut assumer : "Bien sûr, je participerai aux élections législatives, et bien sûr j'essayerai de donner aux président de la République la majorité dont il a besoin pour garantir une stabilité politique dans le pays et faire en sorte que nous puissions avancer".
Le Premier ministre est également revenu sur les rumeurs affirmant qu'Alain Juppé, qu'il a soutenu pendant la campagne de la primaire de la droite, mais aussi l'ancien maire du Havre Antoine Rufenacht, lui auraient déconseillé d'accepter Matignon. "Antoine Rufenacht m'a indiqué qu'il pensait que ce n'était pas une très bonne idée. Alain Juppé a été plus bienveillant", a-t-il confié.
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