2:47
  • Copié
Europe1.fr avec Claudia Bertram et AFP , modifié à
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a été accusée mercredi de vouloir légitimer le délit de blasphème en déclarant sur Europe 1 que l'insulte contre une religion constituait "une atteinte à la liberté de conscience".

"L'insulte à la religion c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave", déclarait, mercredi matin, la ministre de la Justice sur Europe 1. Une déclaration qui n'a pas manqué de susciter la polémique toute la journée, Nicole Belloubet ayant été accusée de vouloir légitimer le délit de blasphème.

Acte 1 : ce qu'a déclaré Nicole Belloubet sur Europe 1

La garde des Sceaux s'exprimait sur Europe 1 sur l'affaire Mila, du nom de cette adolescente de l'Isère qui a dû être déscolarisée après avoir été menacée de mort sur les réseaux sociaux en raison de propos hostiles à l'islam. "Dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable (...). L'insulte à la religion c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave, mais ça n'a pas à voir avec la menace (de mort, ndlr)", a commenté la ministre sur Europe 1.

Acte 2 : la polémique

Des responsables politiques de droite comme de gauche ont aussitôt critiqué la ministre. "Qu'est-ce qui a pu se passer dans notre pays pour qu'une ministre de la République puisse dire que 'l'insulte à l'encontre d'une religion est une atteinte grave à la liberté de conscience'!? On s'apprête à rétablir un très peu laïque 'droit au blasphème'??", s'est indigné le député européen PS Emmanuel Maurel. Laurence Rossignol, ex-ministre socialiste et sénatrice de l'Oise, a elle décerné un "0/20 en droit constit" à Nicole Belloubet, ancienne membre du Conseil constitutionnel. "En France, il est interdit d'insulter les adeptes d'une religion mais on peut insulter une religion, ses figures, ses symboles", a-t-elle tweeté.

Pointant du doigt la garde des Sceaux, la présidente du RN Marine Le Pen s'est, elle, interrogée : "Peut-on compter sur le gouvernement d'Emmanuel Macron pour défendre nos valeurs et nos libertés ? Clairement, la réponse est NON ! Et c'est cela qui est grave". "Nicole Belloubet invente le délit de blasphème (...) Scandaleux ! Ce gouvernement a lâché la liberté française de l'esprit 'Charlie' pour la soumission à la terreur islamiste !", a pour sa part déclaré le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan. Invité du "Grand journal du soir" mercredi, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a également réagi aux propos de la garde Sceaux qu'il trouve "terrifiants, et extrêmement choquants".

"Une garde des Sceaux ne devrait pas dire ça, c'est juridiquement grotesque", a estimé de son côté au micro d'Europe 1 Richard Malka, l'avocat de Mila. "La liberté de conscience, c'est pouvoir adhérer à la religion que l'on veut, mais ça ne veut pas dire non plus qu'on a l'interdiction de critiquer cette religion ! Ça, n'a rien à voir", détaille l'expert de la liberté d'expression. 

Acte 3 : Nicole Belloubet se défend 

Face à la polémique, la ministre a tenu à préciser ses propos en reconnaissant auprès de l'AFP une expression "maladroite" et en assurant ne pas remettre en cause "le droit de critiquer la religion". "Les insultes et les discriminations à raison de l'appartenance religieuse sont des infractions. C'est ça que j'ai voulu dire", a déclaré Nicole Belloubet, dénonçant une polémique "ridicule". "Je n'ai absolument pas justifié le délit de blasphème", a-t-elle affirmé.

Acte 4 : Christophe Castaner recadre

Pour être certain d'éteindre l'incendie provoqué par la garde des Sceaux, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner est lui même intervenu sur le sujet au Sénat ce mercredi après-midi. "Il n'existe pas dans ce pays, et jamais sous ce gouvernement, de délit de blasphème. La liberté d'expression dans notre pays permet à chacune et chacun de pouvoir critiquer une religion."

Deux enquêtes judiciaires ont été ouvertes en lien avec l'affaire Mila : l'une vise les menaces de mort, l'autre a pour objet de déterminer si les propos de l'adolescente relèvent de la "provocation à la haine raciale".