Les Français auront l'occasion de glisser un bulletin de vote dans l'urne dans une poignée de semaines: après de valses hésitations, l'exécutif a décidé de plaider pour maintenir les élections régionales et départementales en juin en dépit de l'épidémie de Covid-19. Le Premier ministre Jean Castex défendra ce choix à l'occasion d'un débat consultatif sur la question prévu mardi et mercredi au parlement. Cette décision a été prise après la consultation controversée lancée ce week-end par l'exécutif auprès des maires, dont une majorité (56%) s'est prononcée pour tenir ces deux scrutins les 13 et 20 juin, comme prévu.
"L'intérêt général au-dessus de toute considération politique"
Environ deux-tiers (69%) des maires ont répondu. Parmi eux, 56% sont favorables au maintien des deux scrutins les 13 et 20 juin et 40% pour un report, selon les résultats communiqués par le ministère de l'Intérieur, confirmant la position exprimée par les associations d'élus dans un courrier adressé à l'exécutif daté de jeudi dernier. Dans un communiqué, l'Association des maires de France (AMF), dirigée par l'ex-ministre François Baroin, s'est félicitée que les élus "conformément à l'avis formulé par ses instances représentatives (...) aient manifesté leur volonté que le calendrier électoral soit respecté" et "su placer l'intérêt général au-dessus de toute considération politique".
En demandant directement aux maires de répondre via les préfets avant lundi midi par "oui" ou "non" à la question de savoir si les conditions préconisées par le Comité scientifique leur semblaient réunies pour tenir les élections, le gouvernement s'était attiré les foudres des associations d'élus et de l'opposition, qui le soupçonnait de vouloir reporter des élections qui s'annoncent défavorables pour la majorité. Jean Castex avait toutefois indiqué la semaine dernière qu'il privilégiait "à ce stade" le maintien des deux scrutins aux dates prévues.
"La République en Marche est partagée sur le sujet"
Dans un communiqué commun et virulent diffusé sous le nom de "Territoires unis", l'AMF, l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France ont accusé le gouvernement "d'avoir peur du verdict des urnes". "Ce qui se joue, en réalité, sur le dos des maires et sous le prétexte de la situation sanitaire, c'est le report des élections locales après les présidentielles et législatives car elles seraient des élections non essentielles", avaient déploré les trois principales associations d'élus.
Selon une source parlementaire, "LREM est partagée" sur le sujet", entre le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, d'une part, et Stanislas Guerini, le délégué général du parti, et Christophe Castaner, chef de file des députés, qui sont "officiellement" pour le maintien. "Macron, en sous-main, est pour le report", selon cette source. Ces atermoiements proviennent aussi de la clause de revoyure prévue dans la loi approuvée cet hiver, qui devait se baser sur un avis du Conseil scientifique. Celui-ci ne s'est finalement pas prononcé sur un éventuel report, laissant début avril la responsabilité à l'exécutif. Avec la tentation de reporter une nouvelle fois ces scrutins initialement programmés pour mars?
"Le gouvernement est le seul décideur"
Certaines considéraient comme "un aveu" la lettre adressée la semaine dernière à Jean Castex par le président (LREM) de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, dans laquelle il craignait que "l'absence d'une campagne électorale (...) accroisse encore ce qu'il est convenu d'appeler la prime au sortant". Du côté de l'opposition, les critiques ont fusé, principalement chez les Républicains qui président plusieurs régions et comptent se servir du scrutin comme tremplin pour l'Elysée.
"C'est comme si on envoyait au maire une sorte de sondage pour leur demander si les Français devaient payer leurs impôts", a ironisé l'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy sur Sud Radio. "On ne va pas nous faire la différence entre les élections essentielles et celles qui ne le sont pas", a martelé sur BFM-TV et RMC, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France et candidat pour 2022, qui a dit quitter la vie politique s'il était battu aux régionales.
Le débat annoncé au Parlement a également suscité des critiques: "C'est à 16H27 par SMS, puis 16H43 par un courrier du cabinet du Premier ministre que nous avons appris officiellement la tenue d'un débat 50-1 (...) Au bout du compte, le gouvernement est le seul décideur du maintien ou pas des élections, il ne doit pas se défausser", a réagi la sénatrice communiste Eliane Assassi.