C'est une première. Jamais un Premier ministre en exercice n'avait accepté de se rendre une émission d'infotainment comme celle de Laurent Ruquier, On n'est pas couché, sur France 2. C'est pourtant ce que fera Manuel Valls ce samedi.
"La politique, c'est du sérieux". Une décision qui a de quoi étonner lorsqu'on se souvient du peu de goût que le chef du gouvernement semble avoir pour ce type d'exercice médiatique. Invité le 24 septembre dernier sur le plateau de Des Paroles et des actes, il avait refusé de lire des tweets le concernant -exercice adapté d'une émission américaine, et auquel s'est livré Barack Obama-, comme le lui demandait un journaliste en fin d'émission dans une rubrique décalée. "La politique ce n'est pas du spectacle, c'est du sérieux", avait répondu, fermement, le Premier ministre.
Une décision surprenante.On n'est pas couché est pourtant l'exemple type démission destinée à faire le show. Les invités sont là autant pour exister que pour faire valoir les chroniqueurs stars. Et ce sont généralement les jeunes loups de la politique en mal de notoriété ou les ministres en manque de visibilité qui acceptent de se prêter au jeu. Pas Manuel Valls, l'homme qui dirigeait la communication très maîtrisée de Lionel Jospin, dans le respect des formes et des institutions. Le Premier ministre avait été le chef d’orchestre exigeant et efficace de la campagne présidentielle de François Hollande. Son meilleur ami, Stéphane Fouks, patron d’euro-RSCG, conseille des grands patrons et des politiques partout dans le monde.
Jacques Pilhan enterré. Dès lors, comment expliquer la présence de cet homme de communication, attaché à une forme de sacralisation de la parole politique, et notamment de celle des dirigeants, sur le plateau d'On n'est pas couché ? En 1995, dans un entretien à la revue Débat intitulé "L'écriture médiatique", Jacques Pilhan, conseiller en communication de François Mitterrand et Jacques Chirac, avait théorisé le "plan média" parfait du politique. Prônant la rareté des dirigeants politiques dans les médias pour susciter le désir, il affirmait notamment que "Dieu ne descend pas dans les marchés". Manuel Valls semble avoir décidé de faire exactement l'inverse.
Boulimie médiatique. Le chef du gouvernement, comme Obélix dans la potion magique, est tombé dans la communication quand il était petit. Mais, n'ayant ni Astérix ni Jacques Pilhan pour le réfréner, il en fait trop. Depuis le 31 août dernier, Manuel Valls est ainsi apparu dans pas moins de 24 émissions. On n'est pas couché sera la 25e. Sept interventions au journal télévisé de 20 heures, dix émissions de radio, 4 sur les chaines d'information en continu… Sans compter Des paroles et des actes, Le Petit et Le Grand Journal, les interviews à la presse écrite ou les tribunes sur les réseaux sociaux. Rarement un Premier ministre a médiatisé son action à ce point.
Risque de dérapage. Manuel Valls court deux risques. D'abord, celui de banaliser sa parole. A trop l'entendre, on finit par ne plus l'écouter ni l'entendre. L'efficacité politique de ce type d'offensive médiatique est donc nulle. Le deuxième danger qui guette le Premier ministre est celui du dérapage, probable dans une émission comme On n'est pas couché. Car c'est bien la sortie de route que cherchent à provoquer les chroniqueurs qu'il aura face à lui.