Le capitaine abandonne le navire en pleine tempête. C'est, en somme, ce qu'a reproché Bruno Le Maire à Manuel Valls, dimanche, au micro d'Europe 1. Le candidat à la primaire de la droite et du centre a en effet jugé que le Premier ministre, parti ce week-end en déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens, commettait une "erreur politique". "Sa place était auprès des Français", a-t-il estimé, pointant un climat social délétère depuis plusieurs mois, marqué notamment par la contestation dans la rue de la loi Travail.
Les exemples de 1968 et 2005. Bruno Le Maire parle d'expérience. En novembre 2005, la mort de deux jeunes dans un transformateur électrique pendant une opération de police, Zyed et Bouna, avait enflammé les banlieues françaises. Le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, avait donc annulé un déplacement prévu de longue date au Canada. Une décision prise en concertation avec son conseiller de l'époque, un certain...Bruno Le Maire. Ce dernier s'appuie également sur un autre exemple. Celui d'un Premier ministre qui s'était absenté dix jours en pleine "chienlit" : Georges Pompidou était en tournée en Iran et en Afghanistan du 2 au 11 mai 1968. Absence coupable, selon le candidat à la primaire de la droite. Manuel Valls aurait d'ailleurs pu annuler son déplacement en Israël, aussi sensible soit-il. Il l'avait déjà fait en novembre 2013. Ministre de l'Intérieur à l'époque, il avait renoncé à se rendre au Proche-Orient pour mieux se concentrer sur les bonnets rouges qui bloquaient la Bretagne.
Pas de vacance du pouvoir. Mais la situation actuelle est différente. Et, en réalité, rien ne justifie que le Premier ministre annule ce voyage officiel. La critique de Bruno Le Maire est même infondée, voire démagogique. En effet, les moyens de communication et de transmission permettent aujourd'hui de gouverner à distance en temps réel. Manuel Valls ne s'est d'ailleurs pas privé de rappeler qu'il pouvait remplir sa mission depuis Jérusalem ou Matignon sans aucune différence. En outre, jusqu'à preuve du contraire, le pouvoir n'est pas laissé vacant. Le président de la République reste à Paris, le ministre de l'Intérieur est sur le pont et le secrétaire d'État chargé des Transports, Alain Vidalies, était dimanche sur le plateau du journal télévisé de France 2 pour rassurer quant à une éventuelle pénurie de carburant.
Pas d'obligation juridique. Enfin, juridiquement, constitutionnellement, rien n'empêche le Premier ministre de s'absenter en cas de conflit social sur le territoire national. L'attaque de Bruno Le Maire est donc bel et bien infondée. En revanche, après trois mois de conflit social, de violences et de blocages partiels, la question de l'autorité du gouvernement est clairement posée.