S'il y a bien un chiffre que tous, candidats, adversaires, observateurs, vont surveiller dimanche soir lors du premier tour de la primaire du PS, c'est celui de la participation. Car beaucoup de choses dépendent du nombre d’électeurs qui se déplaceront aux urnes. La dynamique du futur vainqueur bien sûr, mais aussi l’attitude des autres candidats de gauche, Emmanuel Macron en tête. C’est donc un moment-clé de l’élection présidentielle qui se jouera lors des deux prochains dimanche.
- Un ou trois millions, ça change tout
Objectif minimal : 1,5 million. Un seuil a été fixé par les leaders socialistes pour pourvoir dire que le primaire est une réussite. Ce seuil, c’est 1,5 million de votants. Christophe Borgel l’a répété jeudi sur Europe 1. "Il faut beaucoup de monde. 1,5 million, c’est beaucoup de monde", a jugé le président du comité d’organisation de la primaire, qui ne dirait pas non à plus. "A 2 millions, personne ne pourra contester que c’est une réussite." Comprendre qu’à 1,5 million, il y aurait débat.
Pour mémoire, en 2011, la primaire socialiste avait réuni 2,6 puis 2,8 millions d’électeurs. Mais le contexte était bien différent, puisqu’il s’agissait à l’époque de désigner un candidat qui avait toutes les chances de l’emporter à la présidentielle suivante. Là, le vainqueur de la primaire est donné cinquième dans les enquêtes d’opinion. C’est moins motivant, forcément.
Christophe Borgel, par ailleurs, ne s’est pas caché. "J’ai entendu certains dire qu’à 300.000 ou 350.000, ce serait déjà bien. Il ne faut pas faire de langue de bois", a admis le député de Haute-Garonne. De toute façon, à moins d’1,5 million, ce serait un échec. A moins d’un million, il serait cuisant.
Une question de dynamique. Voilà pour les chiffres. Alors pourquoi les candidats souhaitent-ils une large participation ? Pour une question de dynamique d’abord. Pour rappel, François Fillon a été désigné par 4,4 puis 4,6 millions de personnes. C’est énorme, et confère au candidat de la droite une assise populaire indéniable. Le vainqueur de la primaire ne peut certes pas en espérer autant, mais à partir de plusieurs millions, sa candidature serait lancée sur la base d’une légitimité tout à fait respectable. Les candidats eux-mêmes en sont conscients. "Venez voter, aidez-nous à reconstruire un parti de progrès et de liberté", a lancé Vincent Peillon jeudi lors du troisième débat télévisé. "Venez voter, venez voter nombreux pour choisir une nouvelle fois l’espérance, celle que je veux porter", a de son côté déclaré Manuel Valls.
- Contrer Mélenchon et Macron
Mais la raison principale, pour les candidats de la primaire, d’espérer une large mobilisation, c’est qu’elle leur fournirait des armes pour ferrailler ensuite avec les autres candidats de la gauche, en particulier Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. C’est d’ailleurs surtout le premier, en pleine ascension, qui focalise l’attention des participants à la primaire. Le président de la France insoumise, lui, est moins haut dans les sondages, et quant à un rapprochement après la primaire, c’est clairement non.
C’est donc pour affaiblir d’abord le fondateur d’En Marche ! que les candidats à la primaire appellent à une mobilisation importante. Ils ne s’en sont pas cachés jeudi soir lors du dernier débat. "Celui ou celle qui sera choisi aura une légitimité qu’il n’a pas. Ça lui donnera une capacité à discuter avec le reste de la gauche, et ça va bouger les lignes", a assuré Benoît Hamon. "Il y a les sondages et les suffrages. Les suffrages, c’est 1.000 personnes, les suffrages, c’est peut-être deux millions, trois millions", a abondé Arnaud Montebourg. "La primaire de la gauche doit se dérouler, les électeurs je l’espère viendront voter, et c’est eux qui donneront la légitimité" au vainqueur, a conclu Manuel Valls quand le cas Macron a été abordé.
Macron et Mélenchon torpillent la primaire. En face, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont à l’inverse, et logiquement, tout intérêt à ce que le scrutin fasse un flop, pour poursuivre leur bonne dynamique actuelle. Ce n’est pas un hasard si, le jour même du troisième débat, l’ancien ministre de l’Economie a fait savoir qu’il n’accepterait aucun accord d’appareil de quelle nature que ce soit, après la primaire. Pour lui aussi donc, c’est non.
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a tout bonnement appelé au boycott de la primaire de la Belle alliance populaire. Comme il l’a dit le 11 janvier lors d’un meeting, voter, ce serait "amnistier" ceux qui ont participé au bilan du quinquennat. Et comme il l’a répété à plusieurs reprises, pour lui, de toute façon, le "candidat issu de la primaire du PS ne servira à rien". Quoi qu’il en soit, dimanche, les choses seront plus claires à gauche. Et ce sont les électeurs qui ont la main.