Quatre ans après, le souvenir de la guerre Copé-Fillon reste cuisant à droite. A l’époque, les deux hommes, qui se disputaient la présidence de l’UMP, avaient chacun revendiqué la victoire, accusant l’autre de fraudes. Alors au moment où le parti, les Républicains, doit désigner par le biais d'une primaire, son candidat à l’élection présidentielle, la priorité des priorités, c’est d’éviter à tout prix qu’un tel scénario puisse se reproduire. Une entité ad hoc, la Haute Autorité, a été créée dans ce sens, pour faire appliquer des règles strictes édictées pour éviter toute fraude. Pour autant, cela ne suffit pas à rassurer totalement les candidats.
- Beaucoup de précautions
La primaire de la droite est donc placée sous le patronage de la Haute Autorité. L’instance est censément indépendante de tout parti, et ses membres ne sont pas adhérents des Républicains. Elle est présidée par Anne Levade, agrégée de droit et présidente de l’Association française de droit constitutionnel, et compte notamment dans ses rangs Pierre Steinmetz, ancien membre du Conseil constitutionnel. C’est cette Haute autorité qui doit proclamer les résultats, mais aussi examiner les éventuelles réclamations.
Dans l’idéal, le souhait des organisateurs du scrutin, c’est que des réclamations, justement, il n’y en ait pas. Même si Thierry Solère ne se berce guère d’illusions. "S’il y a des contestations, et il y en aura, et que des recours sont formés, ces recours seront jugés en toute indépendance par cette haute autorité, qui appliquera la loi", a promis le président du comité d’organisation jeudi sur Europe 1, qui n’a pas caché que la question de la triche potentielle était "un enjeu majeur".
Pas de procuration. Alors de nombreuses précautions ont été prises. Et en premier lieu, l’interdiction des procurations, dont l’utilisation, massive, avaient allègrement alimenté les soupçons de fraude à l’automne 2012. "Je ne savais pas organiser une primaire avec un système de procuration qui n’aurait pas rendu l’élection contestable. Donc, pas de procuration, a tranché Thierry Solère, qui pense là avoir déjà réglé une grande partie du problème. "Sans les procurations, déjà, vous avez enlevé 80% des turpitudes potentielles", a-t-il affirmé.
Du monde dans les bureaux de vote. Il y aura du monde dimanche dans les bureaux de vote, et pas seulement des électeurs. La Haute autorité prévoyait qu’il y’aurait dans chaque lieu de vote un président et trois assesseurs, nommés non pas par le parti, mais par les commissions départementales de la primaire, relais locaux de la Haute autorité. Et évidemment en piochant dans des camps différents. En outre, chaque candidat est libre d’y envoyer un observateur supplémentaire, pour s’assurer du bon déroulement du scrutin. "Nous avons mobilisé plus de 72.500 personnes. On a rempli un stade de France de présidents, d’assesseurs et de délégués de candidats qui vont organiser la primaire", s’est félicité Thierry Solère, qui vante "le principe de l’auto-contrôle et de l’auto-surveillance".
Une remontée des résultats sécurisée. Autre précaution, sur la remontée des résultats. Là encore, il a été choisi de ne pas faire confiance au parti, via les fédérations locales des Républicains. Chaque président de bureau de vote devra transmettre les résultats directement à la Haute Autorité, via un site internet sécurisé.
- Et quelques soupçons
Un scrutin bordé de chez bordé donc. Mais qui n’empêche pas le soupçon. La guerre des chefs de 2012 a laissé un tel traumatisme que son spectre continue de hanter les candidats. En particulier du côté de François Fillon, qui estime encore aujourd’hui s’être fait voler la victoire par Jean-François Copé. Pour les partisans de l’ancien Premier ministre, le danger peut venir de partout, en particulier du Val d’Oise et des Alpes-Maritimes, où se trouvent nombre de partisans de Nicolas Sarkozy.
Jean-François Copé n’est pas en reste Mardi sur France 2, il a eu ce commentaire grinçant au sujet des inquiétudes de François Fillon. "La seule chose sur laquelle il a effectivement raison de s'inquiéter, c'est que les triches qui avaient été identifiées en 2012, elles étaient de la part de ses amis de l'époque - notamment à Nice ou en Nouvelle-Calédonie, c'était attesté par les huissiers de l'époque - et ils sont tous aujourd'hui chez Nicolas Sarkozy. Donc c'est probablement pour ça que François Fillon s'en inquiète", a-t-il lancé.
Petit précis de la fraude. La crainte est telle que Patrick Stéfanini, directeur de campagne de François Fillon, a diffusé une vidéo surréaliste dans laquelle il détaille toutes les formes de fraudes possibles, pour appeler ses troupes à la vigilance. Un petit précis de la triche dans laquelle on découvre des méthodes telles que le ralentissement volontaire du vote dans certains bureaux de vote, et même des mines de crayon glissées sous les ongles pour rendre nul des bulletins au moment du dépouillement. Le préfet conseille aussi de ne jamais s’absenter du bureau de vote, même pour la pause déjeuner, propice, dit-il, au bourrage des urnes.
2.500 bureaux à risque pour les juppésites. Dans le camp d’Alain Juppé, on a ciblé, selon une juppéiste qui s’en est ouvert à Europe 1, près de 2.500 bureaux de vote à risque, sur les 10.228 qui seront ouverts. Alors les équipes du maire de de Bordeaux ont, selon Franceinfo, prévu d’organiser leur propre remontée des résultats, pour voir s’ils sont conformes à ceux proclamés par la Haute Autorité. La confiance est donc loin de régner.
Le problème est d’autant plus prégnant que le vote, finalement, s’annonce serré. Si deux candidats se détachent, si les écarts sont importants dimanche, alors les protestations n’auront pas tellement d’échos. Là, François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy pourraient, selon les derniers sondages, être dans un mouchoir de poche. Dans ce cas-là, alors, les résultats seront scrutés de très, très près par les candidats concernés.