"Une campagne a toujours été une essoreuse." La phrase est d'Emmanuel Macron, mais il est fort à parier que Benoît Hamon soit, une fois n'est pas coutume, d'accord avec lui. Élu triomphalement lors de la primaire de la gauche, le candidat socialiste se heurte, depuis, à une série d'obstacles. De l'échec d'une alliance avec Jean-Luc Mélenchon à une campagne "hors cadres" qui déroute les socialistes, des premières défections d'élus PS partis rejoindre Emmanuel Macron à celle, ultime "couteau dans le dos", de Manuel Valls, rien ne lui aura été épargné.
Aujourd'hui, Benoît Hamon doit faire face à des sondages qui ne le placent plus qu'en quatrième position, derrière Jean-Luc Mélenchon. Le vainqueur de la primaire a d'ailleurs tenté une dernière fois, mercredi, lors d'une conférence de presse inopinée, d'appeler à l'aide le leader de la France Insoumise. Sans surprise, cela s'est soldé par un nouvel échec. Lors de son meeting à Lille dans la soirée, Benoît Hamon a pu faire le compte de ce qui lui reste encore dans cette campagne.
Des poids lourds encore derrière lui. Les soutiens, d'abord. Tout le PS n'est pas parti voir si l'herbe est plus verte chez En Marche!, loin de là. Toute la journée de mercredi, les piques des uns et des autres à l'adresse de "l'homme sans honneur" Manuel Valls ont rappelé à Benoît Hamon que nombre de députés socialistes le suivaient encore. Mercredi soir à Lille, c'est Martine Aubry qui est passée à l'attaque, et pas qu'un peu. Dénonçant "la parole donnée qui ne compte pas", "les idées [qui] passent au second plan", "les promesses oubliées", la maire de la capitale des Flandres a exhorté son champion à "garder le cap". Christiane Taubira –étonnamment silencieuse depuis la défection de Manuel Valls, certes-, Arnaud Montebourg ou encore les écologistes Yannick Jadot et Cécile Duflot continuent de soutenir le socialiste.
La base militante tient. Les militants, eux aussi, se serrent les coudes. Entre 3.000 et 5.000 personnes sont venues applaudir Benoît Hamon au palais des sports Saint-Sauveur, sifflant copieusement Manuel Valls et Emmanuel Macron. "On reçoit des messages de partout", assure le sénateur David Assouline au Monde. "Des militants, des sympathisants, certains même ont voté Valls à la primaire, disent qu'ils sont ulcérés" par le changement de pied de l'ancien Premier ministre.
Une situation clarifiée. À défaut d'avoir su rassembler l'intégralité du PS derrière lui, Benoît Hamon peut espérer que l'annonce de Manuel Valls permette au moins de clarifier la situation. "Valls, c'est plutôt une bonne nouvelle. Il était le chef d'orchestre d'une tentative de sabotage organise", estime ainsi Matthieu Hanotin, codirecteur de campagne du socialiste, dans les colonnes du JDD. Ceux qui, dans l'entourage du vainqueur de la primaire de la gauche, regrettaient que les rumeurs sur les ralliements et les défections alimentent plus les conversations que les débats de fond, comptent bien désormais clore le (douloureux) sujet. Et mettre en avant la cohérence de Benoît Hamon par rapport à ce que le principal intéressé a appelé des "politiciens qui ne croient plus en rien et qui vont où le vent va, bafouant leurs convictions".
Dernière (petite) source de réconfort pour le candidat socialiste : une excuse toute trouvée en cas de défaite dès le premier tour de la présidentielle. S'il ne parvient pas à se qualifier, Benoît Hamon pourra toujours arguer d'une campagne particulièrement difficile, pendant laquelle son propre parti lui aura mis des bâtons dans les roues, acceptant sans broncher ni exclure qui que ce soit les multiples ralliements à l'adversaire.