C'est l'histoire de quelques lignes qui donnent des sueurs froides au gouvernement. Un amendement sénatorial à la loi Macron, qui fixe une définition plus restrictive de la promotion indirecte de l'alcool, a été adopté la semaine dernière par les députés, contre l'avis du gouvernement. Ses promoteurs mettent en avant la nécessité d'une meilleure distinction entre information et publicité pour l'alcool. Mais la polémique fait rage entre la filière viticole et les professionnels de santé, qui alertent sur les dangers pour la santé publique d'une modification de la loi Evin.
Grand flou au gouvernement. Soucieux de ménager les uns comme les autres, le gouvernement est en plein dilemme. Signe du grand flou qui règne au sein de l'exécutif, François Hollande est resté très vague, dimanche à Bordeaux, devant les professionnels des vins et spiritueux réunis au salon Vinexpo. "Ma position est simple : nous devons garder les équilibres de la loi Evin, préserver ce qu'elle prévoit aujourd'hui, et s'il y a des précisions, il faut les engager avec de grandes précautions", a déclaré le chef de l'Etat. Pas si simple que ça, puisque le président n'a finalement pas tranché sur la suppression ou non de l'amendement polémique.
De son côté, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, reste ferme. Le gouvernement "fera tout ce qu'il peut et tout ce qu'il faut" pour supprimer l'amendement en question, a-t-elle martelé dimanche au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI. Son objectif est clair : "revenir à la version initiale du texte". Pas gagné, alors que les députés de la majorité ont joint leurs voix à celles de la droite pour conserver l'amendement en commission spéciale.
Il est vrai que la filière viticole compte de solides relais à l'Assemblée. "Ce n'est pas la première fois qu'on voit cet amendement apparaître", explique le député PS Dominique Lefebvre, opposé à une évolution de la loi Evin. Dans la commission spéciale sur la loi Macron, "il y avait le Bordeaux, le Cognac, la Bourgogne, etc", s'amuse-t-il. Le groupe d'études "Viticulture" de l'Assemblée compte plus d'une centaine de députés membres. Jointe par Europe 1, présidente Catherine Quéré, députée socialiste de Charente-Maritime, se défend de vouloir "toucher à la loi Evin". "Il s'agit simplement d'une précision", explique-t-elle, en reconnaissant que "si l'amendement n'a pas été bien compris, c'est peut-être qu'il n'a pas été bien rédigé".
Vers une réécriture, pas une suppression. Pour sortir de l'embarras, l'exécutif cherche à se donner de l'air. Le patron des députés PS, Bruno Le Roux, a souhaité lundi sur RTL la création d'une "mission rapide" pour "réécrire" l'amendement controversé. "Cet amendement n'est pas un mauvais coup pour la santé publique et il ne viendrait à l'idée d'aucun des parlementaires qui l'ont adopté de remettre en cause la loi Evin", a assuré Bruno Le Roux.
C'est donc vers une version plus "soft" de l'amendement que l'on se dirige, même si le scénario est encore en cours d'arbitrage. Selon le Journal du dimanche, Manuel Valls, lassé de la longueur des débats sur la loi Macron, s'apprête à recourir au 49-3 avant même la discussion du texte, qui doit reprendre mardi soir dans l'Hémicycle. Cela permettrait au gouvernement de faire adopter sans vote sa version du texte, en évitant une discussion houleuse à l'Assemblée sur les sujets qui fâchent, dont la loi Evin.
Que le gouvernement conserve ou supprime l'amendement, tout sera encore possible. "Si on a le 49-3, la loi Macron va repartir au Sénat. En attendant, la commission aura le temps de réécrire le fameux article, qui sera intégré au texte lorsqu'il reviendra à l'Assemblée nationale en juillet", confie une source parlementaire. Un tel scénario permettrait à Marisol Touraine de sauver la face, tout en donnant satisfaction à la filière des vins et spiritueux. Une merveille de synthèse, dans le plus pur style de François Hollande.