Sitôt la loi immigration votée par l'Assemblée nationale, le sujet était abordé par Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur s'est ainsi félicité de l'adoption d'un "texte fort", obtenue "sans les voix des députés RN". Car c'est bien là que réside le malaise qui parcourt les troupes de la majorité depuis mardi soir. Si le camp présidentiel est apparu très divisé autour d'un texte durci par rapport à sa version initiale et intégrant plusieurs dispositions souhaitées par la droite, l'ensemble des 88 députés RN l'a voté comme un seul homme.
Peu avant le verdict, Emmanuel Macron envisageait même de demander une deuxième délibération parlementaire dans le cas où la loi était adoptée grâce aux voix apportées par l'extrême-droite. Une possibilité permise par l'article 10 de la Constitution. Mais qu'en est-il réellement ?
Deux interprétations valables sur le plan mathématique
Pour Jean-Luc Mélenchon et l'ensemble de la gauche, cela ne fait aucun doute. Le projet de loi n'aurait jamais pu être adopté sans la troupe de Marine Le Pen. "Écœurante victoire. 349 pour la loi. Sans les 88 voix du RN = 261 soit moins que la majorité absolue ! Après la marche commune du 12 novembre, voici la loi votée et écrite en commun. Un nouvel axe politique s'est mis en place", a tweeté mardi soir le leader insoumis. Interprétation logiquement identique chez les élus RN. "Si le RN avait voté contre, la loi ne passait pas. Merci qui ?", a déclaré sur X le député Laurent Jacobelli, en réponse à la publication de Gérald Darmanin.
Écœurante victoire. 349 pour la loi. Sans les 88 voix du RN = 261 soit moins que la majorité absolue ! Après la marche commune du 12 novembre voici la loi votée et écrite en commun. Un nouvel axe politique s'est mis en place. pic.twitter.com/oxoqBUBqR2
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) December 19, 2023
Allons, allons, la panique vous fait dérailler monsieur le futur ex-ministre. Les chiffres sont publics. Si le RN avait voté contre, la loi ne passait pas. Merci qui?
— Laurent Jacobelli Ⓜ️ (@ljacobelli) December 20, 2023
Sortons les calculatrices. Le projet de loi a été adopté avec 349 voix pour et 186 contre, sur 573 votants, avec une majorité absolue fixée à 289 voix. Si le groupe RN et ses 88 membres avaient voté contre, le texte aurait mathématiquement été rejeté puisqu'il n'aurait recueilli que 261 voix favorables et 274 refus. En revanche, si les élus emmenés par Marine Le Pen avaient fait le choix de l'abstention, la loi immigration aurait tout de même été adoptée, car le seuil minimum de voix pour obtenir la majorité absolue aurait mécaniquement diminué. Ainsi, sans compter les 88 voix du RN, le nombre de votants s'abaisse à 489 avec une majorité absolue fixée à 245 voix. C'est donc moins que les 261 votes favorables qu'aurait compilé le texte, sans les ouailles de Marine Le Pen.
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Ainsi, en ne considérant que le prisme mathématique, les deux parties disent vrai et la situation peut effectivement être interprétée de deux façons distinctes.