Après quatre premiers stand-up marathon en bras de chemise, Emmanuel Macron porte lundi le "grand débat" en banlieue parisienne avec un déplacement à Evry-Courcouronnes. Le chef de l'Etat multiplie les consultations pour sortir de la crise des "gilets jaunes", et songe même à organiser un référendum. Des échanges sont d'ailleurs prévus avec les représentants des principales formations politiques, au cours desquels cette question pourra être abordée.
Un "grand débat" qui peine à mobiliser les banlieues et les jeunes
À Evry-Courcouronnes, commune de 70.000 habitants située à une trentaine de kilomètres au sud de Paris, il échangera avec environ 300 élus et représentants d'associations franciliens. Une venue qui, du côté des riverains, suscite, au mieux, un haussement d'épaule. "Dans le quartier, on ne s’emballe pas trop. Il va venir ici, et rien ne va changer", déplore un habitant auprès d'Europe 1.
Amir, l’épicier du quartier du Canal, s’enthousiasme un peu en apprenant le thème du débat entre le président et les représentants associatifs, la discussion devant porter sur les attentes des habitants du quartier. "Qu’il vienne dans notre ville, c’est quelque chose quand même", relève-t-il. "J’espère que les problèmes de ce quartier-là seront résolus. S’il est venu par rapport aux impôts et aux taxes, c’est bien déjà".
"Pour une fois qu’un grand politicien rentre dans les quartiers, c’est bien, mais ça n’est que de l’image", balaye Ingrid. "Ça fait 32 ans que je vis ici, et je ne vois pas énormément de changements", poursuit-elle."C’est de l’image, de la pub. Il veut peut-être redorer son blason, mais ça ne changera rien pour moi", assure-t-elle. Il faut dire que le "grand débat national", mis en place par l'exécutif pour répondre à la grogne des "gilets jaunes", et dont le chef de l'Etat assure la promotion depuis plusieurs semaines à coups de déplacements en régions, peine à intéresser certaines catégories de la population, et notamment les plus jeunes. Jeudi, Emmanuel Macron ira plus spécifiquement à la rencontre de ces jeunes en Saône-et-Loire.
Mais lundi, c'est la première fois que le président se rend en banlieue dans le cadre de ce "grand débat", pour lequel il a privilégié jusqu'ici des communes rurales ou péri-urbaines. L'Elysée souhaite que "les quartiers se saisissent aussi du 'grand débat', pour en être des acteurs à part entière".
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L'hypothèse d'un référendum
Selon Le Journal du dimanche, qui s'appuie sur les confidences de ses proches, le président de la République serait désormais tenté de convoquer un référendum dès le 26 mai, jour des élections européennes, pour accélérer la sortie de crise. La - ou les questions - proposée(s) aux Français lors de cette consultation pourrait notamment porter sur des sujets institutionnels, comme la réduction du nombre de parlementaires, la reconnaissance du vote blanc ou encore la limitation du cumul de mandats dans le temps. "Tout est sur la table, mais rien n'est décidé", a réagi dimanche l'entourage du président. La concomitance d'un tel référendum et d'un scrutin européen jugé comme déterminant pour l'avenir de l'UE ne serait pas sans difficulté.
Un ministre, favorable à un référendum à questions multiples mais plutôt en juin voire en septembre, a insisté cette semaine sur le défi logistique que poserait ce double vote. Sans oublier qu'il risquerait de parasiter les enjeux européens si chers à Emmanuel Macron. Sur Twitter, Matthieu Orphelin, député LREM, estime qu'un référendum "sur 4 ou 5 questions clefs" sorties du grand débat serait "une excellente chose", mais sa tenue le jour des européennes ne lui semble "pas du tout opportun[e]. Il faut de la clarté et ne pas tout mélanger". "Cela ne doit pas être l'occasion d'un 'ball-trap' contre le président", prévient aussi dans le JDD l'un de ses proches, l'avocat Jean-Pierre Mignard.
Le chef de l'Etat, lui-même, a estimé dimanche dernier qu'un référendum risquait davantage de "déchirer" que d'"éclairer", lui préférant le concept de "délibération permanente". Jeudi, il a cependant confié à plusieurs journalistes que la question "fera partie des sujets discutés" et "doit être cogitée". "Il n'y a aucun tabou, aucun interdit pour le chef de l'État, mais il faut évidemment attendre la fin du débat avant d'envisager quoi que ce soit", souligne le ministre Sébastien Lecornu, coanimateur du "grand débat national", dans Ouest France dimanche. Selon un élu LR, la décision d'organiser une consultation dès le 26 mai doit pourtant être prise très rapidement, dès la semaine prochaine, "car il y a des délais incompressibles".
Emmanuel Macron aura l'occasion d'aborder le sujet avec les chefs des groupes représentés à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen, qu'il recevra tout au long de la semaine. Gilles Le Gendre, patron des députés LREM, et Christian Jacob, président du groupe LR sont les premiers à être conviés à l'Elysée lundi matin. Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Marine Le Pen (RN) seront reçus mercredi.
Une "manœuvre" pour "détourner l'attention"
L'opposition, déjà, est très critique vis-à-vis de cette initiative. La cheffe du Rassemblement national a vu dimanche une "manœuvre" d'Emmanuel Macron pour "détourner l'attention" des élections européennes dans l'hypothèse d'un référendum organisé le même jour. "Tout cela est complément bidon. Il va recycler sa réforme constitutionnelle", a ajouté Marine Le Pen qui milite, une fois la proportionnelle instaurée, pour une dissolution de l'Assemblée nationale, un scénario écarté par Emmanuel Macron.
Le patron des Républicains Laurent Wauquiez a lui jugé au micro d'Europe 1 qu'Emmanuel Macron prend "un grand risque" s'il décide d'organiser un référendum limité aux seules questions institutionnelles et portant sur des sujets "très coupés des préoccupations et des priorités des Français". En parallèle de ses échanges avec les responsables politiques, Emmanuel Macron tiendra cette semaine ses cinquième et sixième débats publics.