Elle appelle le grand camp des patriotes à se ranger derrière elle, comme si elle avait déjà gagné… Et il faut, plus que jamais, la prendre au sérieux ! En fait, il faut se mettre ça dans le crâne une bonne fois pour toutes : oui, Marine Le Pen peut gagner la présidentielle ! D’abord parce qu’elle a déjà gagné le débat idéologique : repli sur soi, défiance vis-à-vis de l’Europe, peur des immigrés… Ce sont ses thèmes frontistes depuis toujours, et ce sont eux qui occupent désormais l’espace politique presque sans partage.
Marine Le Pen au cœur de la campagne. Ensuite, elle est servie par l’actualité. La casse à Bobigny, c’est du pain béni pour elle, de même que les attentats déjoués qui nous rappellent à tous la menace terroriste. Il y a aussi la nouvelle mode, qui consiste à cogner sans discernement sur les journalistes, et qu’elle a pratiquement lancée. Aujourd’hui, tout le monde le fait : François Fillon bien sûr, Manuel Valls pendant toute sa campagne de la primaire, Emmanuel Macron aussi, par exemple, qui accuse les médias d’être paresseux. Ça ne coûte pas cher, ça rapporte dans l’opinion, pensent-ils, et peu importe si ça favorise le raz-de-marée des thèses complotistes. Sauf que tout ce qui fait peur, tout ce qui flatte les pires instincts conforte l’électorat de Marine Le Pen.
Le socle électoral. Quant au fameux plafond de verre qu’elle n’est pas censée pouvoir briser pour gagner au second tour, il n’est plus un problème. Le problème c’est le plancher. Le socle électoral de Marine Le Pen se solidifie quand celui des autres repose sur du sable. La droite est empêtrée dans les affaires : François Fillon essaie désespérément de garder la main sur son camp, mais l’effritement se voit à l’œil nu. Le vote catholique par exemple, on le lui croyait acquis après la primaire, la tartufferie dont on l’accuse pourrait bien le lui faire perdre. Quant à la gauche, elle reste à ce stade éparpillée. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon n’arrivent pas à se joindre au téléphone, et le ralliement de Yannick Jadot, qui devait se passer comme sur des roulettes, semble bien plus compliqué que prévu.
Enfin, Emmanuel Macron n’a toujours pas de programme identifié et préfère philosopher sur sa "dimension christique". Seul bémol, le socle de Marine Le Pen est solide mais encore trop étroit, c’est pour ça qu’elle tend la main, qu’elle envoie des signaux à une partie de la droite, mais, n’en doutez pas, si le plancher s’effondre pour tous les autres, elle n’aura plus de problème de plafond.