"Je pense que ce n'est la victoire de personne aujourd'hui." Pour un opposant à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Nicolas Hulot n'a pas franchement explosé de joie à l'annonce de l'abandon de ce projet. Dans Le Parisien jeudi, le ministre de la Transition écologique et solidaire fait profil bas. Même s'il se dit "convaincu que c'est la moins mauvaise des solutions qui a été retenue", le voilà plus pris par le "soulagement" que porté par un délirant enthousiasme. Si la décision gouvernementale est forcément une victoire pour cet opposant à l'aéroport, pas question de céder au triomphalisme. Car Nicolas Hulot sait qu'il aura encore bien des batailles à mener pour se faire entendre au sein de l'exécutif.
"Caution" verte". De fait, le ministre de la Transition écologique et solidaire a souvent été considéré comme la "caution verte" d'un gouvernement autrement peu porté sur les questions environnementales. Depuis le début du quinquennat, Nicolas Hulot a dû céder sur de nombreux terrains. D'abord, sur le Ceta, accord de libre-échange très controversé entre le Canada et l'Union européenne. Entré en vigueur provisoirement en septembre, celui-ci doit être ratifié par le Parlement français cette année. Si Nicolas Hulot espère bien que députés et sénateurs s'y opposeront, il a déjà perdu la première manche.
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Ensuite, il lui a fallu reporter l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Prévue en 2025, elle n'interviendra finalement qu'en 2030, "au plus tard 2035". Par ailleurs, Nicolas Hulot a souvent été contredit par d'autres membres du gouvernement sur divers sujets, comme l'interdiction des pesticides tueurs d'abeilles, que le ministre de l'Agriculture voulait lever, ou le glyphosate, que l'ancien porte-parole Christophe Castaner voulait autoriser pour quatre années supplémentaires. Enfin, l'ancien présentateur d'Ushuaia avait été si déçu par les Etats généraux de l'alimentation qu'il en avait séché la clôture.
Couleuvres et boas. Tant de renoncements et d'atermoiements, cela fait forcément grincer les dents des adversaires de Nicolas Hulot. "Il n'avale plus des couleuvres, il avale des boas constrictors", a même lancé l'eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts Yannick Jadot début novembre. Dans ce contexte difficile, la victoire obtenue avec l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est certes appréciable, mais elle perd un peu de sa saveur.
D'autant que Nicolas Hulot n'était pas non plus un opposant acharné au projet. Certes, il avait publiquement pris position contre, expliquant qu'il s'agissait d'un projet "ruineux, inhumain et inutile", un "cas d'école de ce à quoi il [allait] falloir renoncer". Mais il n'a jamais été question, assure-t-il aujourd'hui, d'en faire un casus belli. "Quand le Premier ministre a nommé des médiateurs pour remettre à plat le dossier, je me suis imposé une discipline : rester neutre, m'effacer et écouter les argumentaires des uns et des autres, ne plus faire valoir mes opinions ou donner l'impression que je pouvais faire pression sur qui que ce soit", explique-t-il dans Le Parisien.
Penser à la suite. Surtout, le ministre de la Transition écologique et solidaire ne peut perdre de vue les autres arbitrages qui lui restent encore à gagner. En premier lieu, la fermeture d'un "bon nombre" de réacteurs nucléaires, promise l'été dernier. Cet objectif semble s'éloigner avec le report de la diminution du nucléaire dans la production électrique. La convergence des fiscalités du diesel et de l'essence, autre promesse du quinquennat, sera également au menu.
ARCHIVES - Notre-Dame-des-Landes : aux origines du projet d'aéroport abandonné