Selon les résultats des législatives publiés lundi par le ministère de l'Intérieur, 208 femmes siégeront au sein de la nouvelle Assemblée, soit 36% de l'hémicycle, une proportion en recul par rapport à 2017 (38,8%, 224 députées) et 2022 (37,3%, 215 élues).
"En 2017, on enregistrait un record inégalé sous la Ve République et qui s'expliquait essentiellement par la victoire de La République en marche (LaRem, ex-Renaissance) qui n'avait pas de sortants à investir puisqu'elle partait de zéro", rembobine Mariette Sineau, politologue et co-autrice de Femmes et République (La documentation française, 2021).
"On peut faire l'hypothèse que les femmes ont été victimes de l'urgence dans laquelle se sont déroulées ces législatives, les partis politiques ont probablement eu des critères proprement politiques et la parité est passée au dernier rang des priorités", ajoute-t-elle.
Le Nouveau Front populaire, l'alliance qui compte le plus de femmes
Le recul du nombre de femmes "tient en partie aux conditions et au contexte dans lequel la dissolution a eu lieu, avec des partis politiques qui ont essayé de sauver les meubles en présentant des sortants, et c'est plutôt des candidats masculins", abonde Sandrine Lévêque, professeure en science politique à Lille.
Si aucun parti politique ne peut se targuer de faire un sans-faute en matière de parité, certains sont toutefois meilleurs élèves que d'autres. Avec 78 députées (40,4%), le Nouveau Front populaire (NFP) et apparentés est l'alliance qui compte le plus d'élues, devançant d'une courte tête le camp présidentiel (40,2%).
Le Rassemblement national (RN) et ses alliés ne comptent eux que 32,2% de femmes, devant les Républicains (hors "ciottistes" alliés au RN) qui n'ont fait élire seulement que 30,8% de femmes. "On est encore loin de la parité voulue par la loi sur la parité, on voit qu'un certain nombre de partis sont toujours prêts à perdre une bonne part de leur financement", relève Sandrine Lévêque.
Depuis la loi de juin 2000, les partis politiques sont en effet tenus d'investir un nombre équivalent de candidats et de candidates aux législatives, sous peine de se voir infliger des pénalités financières. En 2022, plusieurs partis avaient été sanctionnés - LR avait notamment écopé d'un malus de près d'1,3 million d'euros. Deux ans après, la note devrait rester salée pour la majorité des partis politiques au vu du recul du nombre de femmes investies - 41% contre 44% en 2022.
"Historiquement le Sénat a toujours été à la traîne dans la représentation féminine"
Avec ce nouveau recul, l'Assemblée nationale passe derrière le Sénat (36,8%) en termes de féminisation de ses élus, une première depuis près de cinquante ans. "Historiquement le Sénat a toujours été à la traîne dans la représentation féminine, le fait que la chambre haute dépasse la chambre basse sur ce critère est une étrangeté", note Mariette Sineau.
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Pour Sandrine Lévêque, il manque en France, "comparé à d'autres pays comme le Canada ou les États-Unis, un lobby féministe fort" au sein des partis politiques. "Il faut des femmes qui disent 'il faut qu'on investisse des femmes', ça commence, mais ça reste très minoritaire, or la clef de la féminisation se trouve entre les mains des partis, c'est là où la sélection se fait", relève-t-elle.
En dépit des avancées réalisées, la France reste distancée par ses voisins européens, de l'Andorre (50%) à la Suède (46,7%) en passant par l'Espagne (44,3%), selon le classement établi par l'Union interparlementaire (UIP). Les regards sont désormais tournés vers le perchoir. En 2022, Yaël Braun-Pivet était devenue la première femme à présider l'Assemblée nationale. Dans un contexte de recul de la féminisation de l'hémicycle, "la nomination de la personne qui lui succédera sera suivie de près", prédit Mariette Sineau.