L'annonce a pu avoir de quoi surprendre à première vue. Emmanuel Macron, président qui souhaite conserver une parole rare, interviewé jeudi dans le journal télévisé de 13 heures, horaire qui ne garantit pas une audience maximale, par Jean-Pierre Pernaut, présentateur phare mais qui ne reçoit jamais aucun invité. Pourtant, à y regarder une seconde fois, cette séquence relève d'un savant calcul politique.
Public ciblé. Emmanuel Macron a choisi de s'adresser aux téléspectateurs habituels de Pernaut. La France retraitée, plutôt rurale, plutôt populaire. Celle qui s'inquiète des effets de la hausse de la CSG sur son pouvoir d'achat, et qu'il va devoir rassurer. Mais celle, aussi, qui ne soutient pas nécessairement les mouvements sociaux et sera sensible à un discours ferme. Cette sortie médiatique est une réponse immédiate aux études d'opinion qui, depuis le début du mois d'avril, montrent un décrochage du président auprès des plus modestes. Selon le sondage Elabe publié la semaine dernière, 65% des cadres sont favorables au chef de l'État, contre seulement 27% des classes populaires.
Un décor soigneusement choisi. Pour renforcer l'impression de proximité, l'interview ne se déroulera pas à Paris mais dans l'Orne, à Berd'huis. Une commune d'un millier d'habitants avec une école accueillant maternelles et primaires. C'est depuis cet établissement que le président s'exprimera. Il a été choisi avec soin : ce sont des locaux récents, avec une équipe pédagogique qui a beaucoup investi dans le numérique. L'occasion pour Emmanuel Macron de parler à la fois des transformations technologiques qu'il affectionne, de la ruralité et des services publics.
Des sujets du quotidien. Les sujets abordés avec le chef de l'État seront donc notamment ceux liés à "la fracture sociale et territoriale en matière de santé et d'hôpitaux, la désertification dans certaines régions, les retraités et le pouvoir d'achat (CSG, taxe d'habitation…), la limitation de vitesse à 80 km/h, la sécurité et le terrorisme", a détaillé Thierry Thuillier, directeur de l'information de TF1. Il sera évidemment question, aussi, de la grogne à la SNCF. Des thèmes "concernants", comme on dit dans le jargon journalistique, qui intéressent monsieur et madame tout-le-monde et ont des conséquences concrètes sur le quotidien. TF1 a d'ailleurs promis un format spécial de plus d'une heure, pendant laquelle seront incrustées des "courts sujets de reportages et témoignages, via lesquels des Français pourront interpeller ou s'adresser au chef de l'État".
Nouvelle séquence de communication. Au-delà de ces thématiques précises, ce passage sur TF1 sera l'occasion, pour Emmanuel Macron, de rendre plus nets son cap et sa vision politique d'ensemble. Car l'opération s'inscrit dans un contexte bien particulier. Celui de l'approche du premier anniversaire de l'élection du président et, avec cette date, la menace de l'usure du pouvoir. Alors que plusieurs lignes de front se font jour, à la SNCF et dans les universités notamment, le chef de l'État est jusqu'ici resté en retrait, laissant ses ministres et Edouard Philippe s'exprimer. Cette intervention au journal de 13 heures annonce une nouvelle séquence de communication qui braquera les projecteurs sur lui, avant une interview de deux heures, dimanche soir, à BFM TV, RMC et Mediapart.