Le "retrait" du Parti radical de gauche de la campagne de Christiane Taubira jette un doute de plus sur la candidature de l'ex-ministre de la Justice qui n'aura pas décollé depuis sa désignation par la "Primaire populaire", fin janvier. Ce n'est qu'en fin de conférence de presse, relancé par une journaliste, que le président du petit parti, Guillaume Lacroix, a lâché une phrase au lourd sens symbolique, lundi après-midi : "le PRG se met en retrait" de la campagne de l'ancienne Garde des Sceaux.
Quelques minutes plus tôt, il avait expliqué que les élus du PRG étaient "libres de parrainer comme ils l'entendent", "sans aucune pression". En d'autres termes : ne sont plus incités à parrainer Christiane Taubira qui, elle-même, n'a plus la carte du parti.
Christiane Taubira échoue à rassembler, le PRG se met en retrait
Dans une lettre à ses militants, Guillaume Lacroix a justifié ce revirement par le fait que Christiane Taubira n'a pas réussi à provoquer des ralliements d'autres candidats derrière elle : "Le mandat du PRG reposait sur une démarche de rassemblement de la gauche dont il convient d'acter aujourd'hui qu'elle n'est plus possible". En soirée, la Guyanaise a réagi dans une série de tweets, décrivant "une péripétie dans un moment crucial pour le pays". "Les partis ont leur vie et leurs mérites. Ils ont leurs limites, leur agenda n'est pas le mien", a-t-elle insisté, assurant ne pas lâcher "celles et ceux qui ont tant besoin de justice et d'espoir, et que les brinquebalements à gauche plongent dans le découragement".
Reste que l'obstacle est de taille pour la candidate. L'essentiel des 47 parrainages pour l'instant validés par le Conseil constitutionnel proviennent du PRG - 35 - et le réseau de plus de 300 élus du parti représentait un vivier potentiel. Franchir les 500 signatures, au sein d'une gauche divisée, s'annonçait déjà délicat. Cela relèverait à présent de l'exploit. "On va aller chercher les parrainages, mais c'est un peu short délai (sic)", a réagi Léanie Buaillon, porte-parole du "Collectif Taubira pour 2022". "Nous allons faire un appel aux maires de France pour ne pas laisser Christiane Taubira sans possibilité d'être candidate le 4 mars", date butoir pour rassembler les sésames, a déclaré pour sa part Christian Paul, ex-député socialiste et proche de la candidate.
L'ancien frondeur voit derrière ce coup dur la main des socialistes, les alliés historiques du PRG, et de leur candidate Anne Hidalgo : "C'est de l'impeachment (ndlr : empêchement), les socialistes sont entraînés dans le précipice par une candidate qui ferait mieux de défendre son programme", a dénoncé Christian Paul.
"Compliqué"
Le chef des sénateurs socialistes et proche de la maire de Paris Patrick Kanner a démenti auprès de l'AFP toute manoeuvre depuis les Antilles où il accompagne Anne Hidalgo. Mais il a dit constater que "quelques grands élus socialistes qui étaient intéressés par Christiane Taubira reviennent vers Anne Hidalgo", sans donner de noms. Le "Collectif Taubira" va pour sa part manifester devant le Conseil constitutionnel dans les prochains jours pour l'interpeler sur ce supposé blocage de parrainages. Patrick Kanner, lui, a haussé les épaules : "C'est un tournant à gauche de la campagne qui était assez prévisible : pas de parti, pas de financement, pas de parrainage. C'est compliqué d'aller très loin encore".
La campagne de Christiane Taubira a enchaîné plusieurs déconvenues. D'abord, les autres candidats de gauche ont raillé sa désignation à la Primaire populaire, qu'ils rejetaient depuis le début. Ensuite, les sondages qui auraient pu créer une dynamique de ralliements n'ont jamais décollé. Et Anne Hidalgo a maintenu sa candidature, un impensé des soutiens de Christiane Taubira car "quand elle est à 1,5%, le choix de son parti aurait dû être d'interrompre sa campagne", dixit Christian Paul.
Enfin, la prestation maladroite de Christiane Taubira devant la fondation Abbé Pierre, début février, a entretenu les procès en impréparation de ses concurrents. Est-ce le début de la fin ? "On n'est pas sûrs d'être sur la ligne de départ le 4 mars", concède une source proche de Christiane Taubira. Dans l'entourage de l'écologiste Yannick Jadot, on s'amuse : "Tout ça, ce sont les suites des divisions internes du PS".