Une campagne électorale, ça use. Les candidats, cela va de soi. Mais aussi, et c’est plus inattendu, les contributeurs de Wikipédia. Depuis le lancement de la course à l’Élysée, et notamment du fait des affaires qui émaillent la campagne ou des nouveaux visages qui y prennent part, les notices des différents candidats connaissent une activité foisonnante. Certaines pages, comme celles de Benoît Hamon ou Emmanuel Macron ont doublé de volume. Celles de François Fillon a elle grossi de 43 %.
"Un sujet qui amène des tensions". Ces montée en gamme ne se font pas d’un seul tenant, mais par petites touches, très nombreuses et parfois contradictoires. "Il y a plus de guerres d’éditions", résume Erik Bovin, habitué des pages politiques, évoquant ces séries d’ajout/suppression de contenu synonyme de débats plus ou moins de bonne foi. "C’est un sujet qui amène des tensions". "Et comme tous les sujets d’actualité, ça demande beaucoup de réactivité", renchérit Jean-Jacques Georges, entraperçu dans l’arrière-cour des pages de François Asselineau, François Fillon ou Marine Le Pen. Bref, sur Wikipédia, "la politique, c’est invivable", lance-t-il, avant d’avouer avoir fait un petit break avec l’édition de pages politiques.
La faute à qui ? Aux révélations qui rythment la campagne et "aux 'antis' et aux 'pros' qui veulent tirer les articles dans un sens ou dans l’autre", regrettent Jean-Jacques Georges, pointant des disproportions dans la taille de certaines parties de pages. Un signe, selon lui, d’un léger parti pris. Ainsi, sur la page de discussion de Cheep, un autre habitué des pages politiques, certains Wikipédiens tentent de faire passer une photo plus favorable de Benoît Hamon ou de Jean-Luc Mélenchon. Sur celle de François Fillon, on se demande s'il faut vraiment traiter des répercussions de sa position religieuse sur son positionnement politique ou quelle place il faut attribuer à ses positions sur la Russie.
Mais en réalité, l’activité des militants politiques est presque plus importante hors campagne. Et pour bon nombre des candidats qui ont déjà des pages assez fournies, cette activité partisane très assidue est à ranger dans le panier des affaires classées. À ce titre, "la page de François Asselineau est un cas d’école pour tout Wikipédia", note Erik Bovin, qui a beaucoup contribué à cette page, tout comme à celle d’Emmanuel Macron. Les militants de l’UPR ont fait le forcing pour que François Asselineau ait sa page, avant de la compléter abondamment avec un souci de neutralité et de la pertinence des sources qui ne faisait pas l’unanimité… "Mais ça c’est calmé depuis et au moindre signe d’acte militant, le compte se fait virer".
Selon les Wikipédiens, les risques d’informations biaisées sont minimes. La page de Marine Le Pen, qui avait également pu souffrir de ces “guéguerres”, comme les nomme Jean-Jacques Georges, est désormais plus calme. Et un peu plus objective. “Sur Marine Le Pen, on est très bien, sur celle de François Asselineau, on peut pas faire mieux”, liste Erik Bovin, jugeant la qualité actuelle des pages.
Au final, les risques de voir le contenu des pages biaisées par des informations sont minimes selon les Wikipédiens. Et pour cause, ces pages sont surveillées de près. Les plus chevronnés ont des alertes les prévenant des modifications apportées à certaines pages. "C’est comme ça que je suis les sujets, explique Erik Bovin. Ca permet de voir les guerres d’édition". Et de réagir promptement le moment venu. Quitte à y passer du temps. "Mais on n’a pas assez de bras", regrette Jean-Jacques Georges, reprenant à son compte un constat régulièrement fait par les Wikipédiens.
Un regret d’autant plus fort pour certains que "Wikipédia est un outil important pour un citoyen", à en croire Erik Bovin. Un outil qui n’influence probablement pas les votes mais dont certains militants ont tout de même pu, par le passé ou plus récemment, mesurer toute l’importance. Juste assez pour occuper les soirées des Wikipédiens, mais peut-être pas suffisamment pour inonder l’encyclopédie libre de mensonges.