Voilà huit mois qu'on se demande ce qui s'est passé dans la tête de Marine Le Pen, au soir du 3 mai, lors de son débat du second tour face à Emmanuel Macron. Sans doute l'un des face à face les plus chaotiques de l'histoire de l'élection présidentielle, et dont les conséquences se font toujours sentir, le leadership de la fille de Jean-Marie Le Pen ayant été sérieusement ébranlé au sein du Front national.
Le tout pour le tout. Une note de campagne publiée par Buzzfeed et Mediapart, et signée de la main de Damien Philippot, le frère de Florian Philippot et ex-sondeur, en dit plus sur la stratégie adoptée par la candidate. "Nous n'avons rien à perdre", c'est la première phrase de la fiche dite "générale", envoyée à Marine Le Pen la veille du débat. Dans ce document, la patronne du FN se voit préconiser une sorte de stratégie kamikaze. Des conseils suivis à la lettre...
Envoyer de la haine. Le but de la manœuvre est de dégrader par tous les moyens l'image d'Emmanuel Macron, quitte à perdre en crédibilité, mais de manière à pousser les électeurs à l'abstention, écrit Damien Philippot. Le conseiller liste les objectifs noir sur blanc : rester souriant et amener l'adversaire à s'énerver et à se montrer arrogant. Marine Le Pen en était alors persuadée, "c'est en envoyant de la haine à cet homme qui a toujours besoin de se sentir adulé" qu'elle pourra réussir à le faire trébucher, c'est du moins ce qu'elle avait confié à Europe 1 une semaine avant son face-à-face.
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Une paresse lourde de conséquences. Un duel qu'elle n'a presque pas préparé : la candidate s'est contentée de commander des fiches, l'une d'elles lui ayant été remise à 18 heures, alors même qu'elle s'apprêtait à rejoindre les studios de la Plaine Saint-Denis. "Elle les découvre en direct", assure l'un de ses conseillers, Mickaël Ehrminger. Sur l'une de ces fiches, on peut lire ce conseil : "Ne jamais rentrer dans les détails, puisqu'il sera toujours meilleur sur le plan technique". Raison pour laquelle Marine Le Pen est restée dans les formules et les attaques. Mais pour Mickaël Ehrminger, c'est aussi une question de paresse : la présidente frontiste n'imaginait pas que ce débat allait lui coûter si cher, si longtemps.