"Rien ne sert de courir, il faut partir à point." François Fillon a fait sienne la morale de la fable de La Fontaine. Celui qui s'est déclaré candidat à la primaire de la droite et du centre dès 2013 a, par la suite, progressé lentement. Très lentement.
Le député de Paris revient de loin. Du "ventre mou" des sondages, qui le créditaient, il y a quelques semaines encore, de 10 à 12% des intentions de vote. De la place de troisième homme de la primaire, d'arbitre d'un second tour pour lequel il ne semblait pas en mesure de se qualifier. Avec 44,2% des suffrages selon des résultats toujours provisoires, François Fillon est sorti en tête, dimanche, du premier round du scrutin. Et peut aborder plus que sereinement la dernière ligne droite.
Très remarqué lors des débats. "Ce sera la surprise de dimanche", avait prédit le porte-parole de l'ancien Premier ministre, Jérôme Chartier, lundi dernier sur Europe 1. La qualification de son champion, longtemps improbable, était néanmoins devenue plus crédible ces dernières semaines. D'abord avec les trois débats organisés entre les sept candidats de la primaire, pendant lesquels François Fillon s'est fait remarquer. Le député de Paris a cultivé son image de candidat sérieux et crédible, préférant préciser son programme que distribuer les coups à ses adversaires. "Vous nous coupez la parole sur des sujets fondamentaux", a-t-il même reproché aux journalistes lors du dernier grand oral. "La conception que vous avez de ces débats, c'est une conception en termes de spectacle et non pas de fond."
Ses trois prestations, unanimement saluées, se sont traduites par des poussées dans les sondages. Lors du troisième grand oral, une enquête Elabe pour BFMTV avait même montré qu'il était jugé le plus convaincant de tous les participants, avec 33% des Français interrogés qui penchaient en sa faveur.
Catholique, il incarne la "vraie droite". Sur le fond, François Fillon a aussi adopté un positionnement payant. "C'est un catholique traditionnel, de la France rurale", a ainsi rappelé l'éditorialiste Gérard Carreyrou sur Europe 1. Soutenu par Sens commun, mouvement issu de la Manif pour Tous, le député de Paris a réussi à convaincre l'électorat catholique. Mais pas que. "Il avait un programme de vraie droite", poursuit Gérard Carreyrou. "Pas seulement sur l'économie, mais aussi sur les valeurs de la société." Ultra-libéral et très conservateur, un combo qui a bien fonctionné.
Fillon contre les sondages. La télévision a décidément beaucoup réussi à François Fillon, puisque son passage dans "L'Emission Politique", sur France 2, le 27 octobre, a également contribué à relancer une dynamique qui ne l'a plus quitté. Le député de Paris avait alors joué une carte maîtresse, en critiquant des médias et des enquêtes d'opinion qui tenteraient de plier le match avant la fin. "C'est quand même bizarre, vous avez déjà décidé avant même d'avoir dépouillé le premier tour que le deuxième était joué", avait-il déclaré, déclenchant des applaudissements dans le public.
Le même argument reviendra dans sa bouche lorsqu'il lui faudra conclure le dernier débat. "Je dis aux Français qui vont voter : n'ayez pas peur. N'ayez pas peur de contredire les sondages et les médias qui avaient déjà tout arrangé à votre place." Un discours qui rencontre beaucoup d'écho, alors que la presse comme les enquêtes d'opinion sont régulièrement pointées du doigt pour être passées à côté des votes du Brexit et de la présidentielle américaine.
Il peut rêver de transformer l'essai. La semaine avant le premier tour, cependant, ce sont ces sondages qui avaient donné des ailes au clan Fillon. Le Sarthois, crédité de quelques pourcentages de plus à chaque enquête, avait même été donné légèrement en tête par Ipsos, vendredi soir, avec 30% des intentions de vote. Désormais qualifié pour le second tour, François Fillon peut légitimement rêver de transformer l'essai.
Battus, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire ont indiqué qu'ils le soutiendraient pour le second tour. Un sondage OpinionWay réalisé dimanche, et publié dans la soirée, montre qu'il recueillerait 56% des suffrages chez les électeurs qui se sont déplacés au premier tour. Une enquête que les candidats, échaudés, ne manqueront pas de prendre avec des pincettes.