Bruno Le Maire est "mort de faim politiquement". C'est l'un de ses amis qui le dit, anecdotes à l'appui. Car si le député de l'Eure a choisi de se lancer officiellement dans la campagne de la primaire à droite mardi, depuis la ville de Vesoul, en Haute-Saône, il se prépare en réalité depuis 2012. Et pensait à Matignon dès 2007. Celui qui était alors directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon s'était vu proposer un poste en or par le président, Jacques Chirac : ambassadeur à Rome. Bruno Le Maire avait refusé, préférant s'implanter à Evreux pour conquérir un siège à l'Assemblée nationale.
Plus de 300 déplacements. L'énarque normalien veut désormais l'Elysée. Depuis quatre ans, il a pris de l'avance sur les autres quadragénaires des Républicains, multipliant les déplacements. Il en affiche plus de 300 au compteur. Ces rencontres avec les Français sont aussi un moyen de compenser son "déficit de charisme à l'écran", admet l'un de ses proches. La télévision reste un exercice difficile pour Bruno Le Maire, qui s'est arrogé les services d'un professeur de théâtre pour s'améliorer.
Le renouveau, c'est Bruno. Pour émerger face à un ancien président, Nicolas Sarkozy, et deux ex-Premiers ministres, François Fillon et Alain Juppé, l'ancien ministre de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy a une autre botte secrète : le renouveau. Le slogan est venu en 2014, lorsqu'il était candidat à la présidence de l'UMP. Si le poste lui a échappé, l'idée est restée. Dans les autres écuries de droite, ce positionnement ne manque pas de faire glousser. "Le renouveau, ça ne veut rien dire", tacle le soutien d'un autre candidat à la primaire. Mais Bruno Le Maire n'en démord pas. Le chantre du renouvellement des pratiques politiques prône le non-cumul des mandats (lui-même a refusé d'être tête de liste pour les élections municipales à Evreux), la fin de "l'esprit de caste" français (il a démissionné de la haute fonction publique en 2012) et la réduction du nombre de parlementaires.
"Je porte en moi toutes les droites". Le député n'en oublie pas pour autant d'être de droite. Si sa position en faveur du mariage pour tous a pu le distinguer des autres personnalités de son camp, Bruno Le Maire reprend des idées largement partagées chez Les Républicains, notamment la réaffirmation de l'autorité de l'Etat, la privatisation de Pôle emploi ou la réduction de l'indemnisation des chômeurs. Dès septembre 2015, il se fait l'avocat de l'expulsion des étrangers visés par une fiche S. "Je porte en moi toutes les droites, la droite orléaniste et libérale, la droite gaulliste et bonapartiste, la droite plus à droite qui rejetait de Gaulle et à laquelle je me suis toujours farouchement opposé", écrit-il dans son livre, Ne vous résignez pas (éd. Albin Michel), à paraître mercredi. Pour le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, Bruno Le Maire "pense comme Buisson et se présente comme Juppé".
Troisième dans les sondages. Bruno Le Maire peut-il remporter la primaire à droite ? Les sondages le placent pour l'instant bon troisième, à égalité ou presque avec François Fillon et distancé par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Mais le député de l'Eure y croit. "Pour 2017, ce sera moi ou un jeune", lui aurait confié Nicolas Sarkozy en 2012. Et Bruno Le Maire, 46 ans, en est persuadé : ce jeune, c'est lui.