Elle a quitté mercredi le gouvernement pour "un désaccord politique majeur" sur la déchéance de nationalité. Mais que va faire Christiane Taubira hors du ministère de la Justice ?
Lecture et écriture. Dans l'émission Conversation secrète qui lui était consacrée, diffusée mercredi soir sur Canal+, l'ancienne garde des Sceaux a donné un premier élément de réponse : elle va se consacrer à la lecture. "Je retourne en Guyane sous un dôme de lumière avec mes livres", raconte l'ancienne ministre à Michel Denisot. Ecrire est également au programme, puisqu'un livre sur son expérience politique devrait paraître en mars. Mais s'il est très romanesque de claquer la porte et d'aller se réfugier dans une librairie pour se consacrer à la poésie, il ne faut pas oublier que Christiane Taubira reste un animal politique avant tout.
Le cauchemar de 2002. Pour une partie de la gauche, elle incarne le cauchemar de l'élection présidentielle de 2002. Concurrente de Lionel Jospin, elle avait rassemblé 600.000 électeurs au premier tour, tandis que le candidat du Parti socialiste avait manqué sa qualification au profit de Jean-Marie Le Pen pour 200.000 voix. Et François Hollande, qui était à l'époque le premier secrétaire du PS, ne l'a pas oublié. Grand brûlé de 2002, il a passé tout le mois de janvier à parler avec Christiane Taubira pour la persuader de rester au gouvernement, malgré ses désaccords sur la déchéance de nationalité. Silencieuse, bâillonnée, elle aurait laissé le Premier ministre défendre la mesure si controversée à l'Assemblée. Il y a quelques jours encore, Ségolène Royal plaidait aussi pour le maintien de la garde des Sceaux.
Un espace politique qui s'ouvre. Nul n'ignore qu'après son départ, François Hollande a face à lui une concurrente sérieuse pour 2017. Les autres débarqués du gouvernement, comme Arnaud Montebourg, Benoit Hamon ou Cécile Duflot, n’ont ni l’aura ni le poids politique de Christiane Taubira. Avec sa démission, c’est donc un espace politique en même temps qu'un tournant qui s’ouvre pour la gauche de la gauche. Les frondeurs socialistes n'imaginent pas qu'elle puisse être absente en 2017.
Imprévisible. Certes, l'ancienne ministre de la Justice a confié à Michel Denisot être "absolument sûre" de ne pas participer à la primaire à gauche. Mais elle n'en a pas nécessairement besoin. Christiane Taubira est la candidate naturelle de cette gauche que François Hollande a perdu et qui lui tourne le dos. Sera-t-elle candidate directement à la présidentielle ? L’an dernier, elle a répondu à cette question dans le livre Le mystère Taubira de Caroline Vigoureux. "Je suis trop vieille, et puis je n’ai aucune raison d’y aller", disait-elle alors. Mais François Hollande le sait mieux que personne, il vient d’en faire l’expérience : Christiane Taubira est imprévisible.