La rencontre tant attendue entre Elisabeth Borne et l'intersyndicale pour sortir du conflit des retraites s'est soldée mercredi par un "échec" selon les syndicats, qui voient une "crise démocratique" dans le refus de la Première ministre de retirer la réforme contestée. Malgré ce désaccord, la cheffe du gouvernement a assuré qu'elle "n'envisage pas d'avancer sans les partenaires sociaux" sur d'autres sujets liés au travail.
"On a une crise sociale qui se transforme en crise démocratique"
Les leaders des huit organisations syndicales arrivés peu après 10H00, ensemble et à pied, à Matignon sont ressortis au bout d'une heure et c'est le patron de la CFTC, Cyril Chabanier qui a lu un texte de l'intersyndicale sur le perron. "Nous avons redit à la Première ministre qu'il ne saurait y avoir d'autre issue démocratique que le retrait du texte. La Première ministre a répondu qu'elle souhaitait maintenir son texte, une décision grave", a déclaré Cyril Chabanier. "Nous refusons de tourner la page et d'ouvrir, comme le propose le gouvernement, d'autres séquences de concertation sur des dossiers aussi divers que le plein emploi ou le partage des richesses", a ajouté au nom de l'intersyndicale Cyril Chabanier.
"On a une crise sociale qui se transforme en crise démocratique", a souligné comme les autres syndicats le leader de la CFDT Laurent Berger tandis que la nouvelle patronne de la CGT Sophie Binet affirmait que "le gouvernement ne pourra pas gouverner le pays tant que cette réforme ne sera pas retirée, on le voit bien". L'entourage d'Emmanuel Macron, actuellement en déplacement en Chine, a vigoureusement contesté cette analyse des syndicats et affirmé que le projet sur les retraites avait été "porté, expliqué et assumé" par le président. "Qu'un président élu avec une majorité élue, certes relative, cherche à mener à bien un projet qui a été porté démocratiquement, ça ne s'appelle pas une crise démocratique".
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Les syndicats avaient prévenu
Les syndicalistes avaient prévenu qu'ils quitteraient la réunion si Elisabeth Borne refusait de parler du recul de l'âge de départ en retraite à 64 ans, qui cristallise la colère. C'est la première fois qu'ils étaient reçus à Matignon depuis la présentation le 10 janvier de la réforme, qui a généré une mobilisation inédite dans la rue. La Première ministre avait promis qu'elle serait "à l'écoute de tous les sujets" hormis la réforme des retraites.
Laurent Berger a dit également s'en remettre à "la sagesse du Conseil constitutionnel" qui doit rendre sa décision le 14 avril, et appelé "un maximum de travailleuses et travailleurs à rejoindre les cortèges" jeudi, lors d'une 11e journée de mobilisation contre la réforme. "Nous avons choisi de mettre fin à cette réunion inutile lorsque la Première ministre nous a indiqué qu'elle continuerait à gouverner contre le pays", a relaté Sophie Binet, en rappelant que le projet de Contrat première embauche (CPE) avait été retiré un mois après son adoption.
"L'intersyndicale sera unie jusqu'au bout", a-t-elle assuré, balayant les spéculations sur les récentes dissonances entre la CFDT, qui réclame de "retirer ou suspendre" le texte, et la CGT, qui veut le "retrait" pur et simple.
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Du côté des opposants à la réforme comme de l'exécutif, personne ne se faisait d'illusions sur l'issue de la rencontre, qui était "déjà écrite", selon un ministre de premier plan, qui tablait avant ce rendez-vous sur une "impasse". Elisabeth Borne "ne nous a absolument rien sorti de différent", a déploré Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, soulignant les "visages fermés" de ses interlocuteurs.
Laurent Escure pour l'Unsa a pointé "une responsabilité énorme entre les mains du président de la République, qui peut désormais (...) ne pas promulguer cette loi". Emmanuel Macron va néanmoins prendre "des contacts" pour voir les syndicats après la décision du Conseil constitutionnel, selon son entourage.
Jean-Luc Mélenchon dénonce un "gouvernement obtus qui choisit le blocage"
Parmi les opposants politiques, le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un "gouvernement obtus qui choisit le blocage", et le premier secrétaire du PS Olivier Faure un exécutif qui "enfonce le pays dans la crise". Jean-Luc Mélenchon a fustigé une Première ministre "radicalisée et murée dans le déni de réalité" qui "transforme une crise sociale en crise politique par son obstination".
La réforme a généré une mobilisation quasi hebdomadaire inédite allant jusqu'à 1,3 million de personnes dans la rue le 7 mars (selon les autorités), soit davantage qu'en 1995 ou 2010 lors de précédentes crises sur les retraites. Et ces manifestations ont connu un regain de tensions après l'adoption sans vote de la réforme au Parlement, via l'article 49.3.