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Arthur de Laborde avec AFP // Crédit photo : Herve Chatel / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP , modifié à
Le président de la FNSEA refusait de participer à un grand débat avec Emmanuel Macron au Salon de l'Agriculture s'ils étaient présents, la présidence a indiqué que "pour garantir la sérénité des débats, 'Les Soulèvements de la Terre' n'y sont pas conviés".

Mis sous pression par la FNSEA dont le président Arnaud Rousseau a refusé de débattre avec Macron si les Soulèvements de la Terre étaient invités, l'Élysée a finalement préféré ne pas convier à son grand débat le collectif dont le gouvernement voulait la dissolution il y a quelques mois. Voulu par la présidence sur le modèle des grandes discussions organisées pendant la crise des "gilets jaunes", l'échange entre Emmanuel Macron et le monde agricole a été plombé avant même son ouverture, samedi, au Salon de l'Agriculture.

"Je refuse de prendre part à ce qui ne sera qu'une mascarade"

"L'invitation par le président de la République au #SIA d'un groupuscule dont la dissolution a été demandée par son propre gouvernement est une provocation inacceptable pour les agriculteurs. J'avais accepté de participer à un débat. Dans ces conditions, je refuse de prendre part à ce qui ne sera qu'une mascarade", a posté sur X dans la soirée de jeudi Arnaud Rousseau, le président du premier syndicat agricole. L'invitation du collectif, qualifié d'"éco-terroriste" par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, a également provoqué la colère du président des Jeunes Agriculteurs Arnaud Gaillot. "Il n'y a pas de débat possible avec ces gens violents", a-t-il posté sur X, refusant lui aussi de participer.

L'opposition s'est aussitôt engouffrée dans la brèche. "Décidément, Macron n'incarne rien d'autre que la confusion, le mépris et le désordre", a réagi la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen. Le président des Républicains Éric Ciotti a lui dénoncé un "'en même temps' macroniste (...) insupportable".

"C'est incompréhensible d'avoir pensé à les inviter", reconnaît un cadre de la majorité auprès d'Europe 1. À ses yeux, cela aurait été interprété comme un désaveu non seulement pour le ministre de l'Intérieur, mais aussi pour les agriculteurs vandalisés et les policiers blessés.

Après quelques instants de flottement, l'Élysée a finalement décidé de ne pas convier les Soulèvements de la Terre, "pour garantir la sérénité des débats". Ce débat doit permettre d'"esquisser l'avenir" de la filière, d'après l'Élysée. "L'ensemble des acteurs pourront donner leur point de vue, faire des propositions, confronter des idées", a promis la présidence. Il doit durer au moins deux heures et est censé réunir les principaux responsables des syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne, etc.), mais aussi des représentants de la grande distribution et des industriels.

Plusieurs responsables d'associations environnementales sont également invités comme le Réseau Action Climat et Générations Futures. La présidence, qui veut des échanges "ouverts, francs et transparents", "sans filtre", "dans un état d'esprit républicain" a malgré tout été contrainte de plier face à la pression des syndicats agricoles en désinvitant les Soulèvements de la Terre.

L'Élysée a donc rétropédalé pour tenter de sauver son grand débat, ce qui n'est pas encore totalement acquis. La FNSEA doit convoquer ce vendredi un bureau pour décider si ses représentants participeront ou non aux discussions. L'éventuelle absence du syndicat agricole majoritaire serait un gros coup dur pour le chef de l'État, admet un conseiller de l'exécutif à Europe 1. 

"Des annonces ont été faites et il n'y toujours rien de concret"

Les atermoiements autour de ce débat sont survenus alors que les agriculteurs, en colère depuis plusieurs semaines, maintiennent la pression sur le gouvernement. Une centaine d'entre eux ont manifesté jeudi à Arras à l'appel de la Coordination rurale pour réclamer des "actes". "Je ne pensais pas encore une fois redescendre dans la rue, je préférerais être dans ma ferme à travailler", mais "des annonces ont été faites et il n'y toujours rien de concret", a déploré par exemple Adrien Spriet, venu garer son tracteur devant la préfecture où une délégation a été reçue dans l'après-midi.

Dans l'Oise, des agriculteurs ont défilé à Beauvais sur 80 tracteurs jusque devant la préfecture. Des opérations escargot ont aussi eu lieu sur les routes de ce département, à l'initiative de 400 agriculteurs, d'après la FDSEA. "On attend l'intervention du président (Emmanuel Macron) parce que ce qu'a annoncé le Premier ministre Gabriel Attal ne nous satisfait pas", a expliqué Linda Monnier, directrice de la FDSEA de l'Oise. Gabriel Attal se rendra vendredi en Charente-Maritime où il visitera le marché de Royan puis rencontrera notamment des représentants des agriculteurs.

Mercredi, le Premier ministre a récapitulé les dizaines d'engagements et chantiers déjà lancés pour répondre à la colère du monde agricole. De nouvelles mesures ont été annoncées sur les visas des saisonniers étrangers, les pesticides, avec l'abandon d'un indicateur controversé, ou encore la rémunération. Ces déclarations n'ont pas empêché plusieurs actions de protestation un peu partout en France.

Jeudi, une vingtaine d'actions ont eu lieu sur le territoire, dont un tiers engagées depuis mercredi, selon une source policière (blocages de plateformes, bases logistiques, échangeurs autoroutiers...). Des préfectures et sous-préfectures ont aussi été visées. D'après une source policière, des agriculteurs espagnols envisagent la semaine prochaine des blocages à la frontière avec la France en espérant être rejoints par des agriculteurs français.