Le président Emmanuel Macron a appelé samedi les groupes de grande distribution à contenir leurs marges pour lutter contre l'envolée des prix alimentaires, ainsi qu'à un "plan de sobriété sur l'eau", à l'instar de celui mis en place pour l'énergie, sur fond de déficit de pluies record à l'échelle nationale. "Ceux qui doivent faire un effort sur leurs marges, c'est les distributeurs", a déclaré le chef de l'Etat lors d'une visite du Salon de l'agriculture, à Paris, alors qu'il venait de discuter longuement avec des éleveurs.
"Fin de l'abondance"
À propos de la sécheresse qui gagne le territoire, le chef de l'Etat a appelé à "un plan de sobriété sur l'eau" sur le modèle de la "sobriété énergétique", en évoquant "la fin de l'abondance". "On sait qu'on sera confronté comme on était l'été dernier à des problèmes de raréfaction (d'eau) : plutôt que de s'organiser sous la contrainte au dernier moment avec des conflits d'usage, on doit planifier tout ça", a expliqué Emmanuel Macron. Il a appelé à "mieux récolter l'eau de pluie", "avoir moins de fuites dans les réseaux d'eau" et "mieux répartir l'utilisation de l'eau potable selon les usagers", notamment en "continuant de produire et d'investir sur des rétentions collinaires".
"Il faut que tous, nous - citoyens, industriels, services, collectivités locales, agriculteurs - (fassions) attention cette ressource qui devient rare" et "qu'on aille vers des comportements de sobriété dans nos pratiques", a encore exhorté le président de la République. La France vient de connaître une période de sécheresse de plus d'un mois, un record en hiver. "La France est en état d'alerte" et "on a environ deux mois de retard de remplissage" des nappes phréatiques, avait reconnu mercredi Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.
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"Il nous faut absolument ce plan"
Des lacs et des rivières à sec, des nappes phréatiques qui se ne remplissent pas à cause du manque de pluie. Le constat est clair pour Esther Delbourg, économiste de l'environnement, un plan de sobriété sur l'eau est indispensable. "On est déjà en situation d'urgence. Il nous manque encore 50% des réserves de pluie qui, d'habitude, tombent d'ici mi-mars pour recharger les nappes phréatiques. On sait très bien qu'on va avoir des problèmes pour cet été. Il nous faut absolument ce plan", déplore-t-elle. Un plan qui arrive cependant trop tard selon cette spécialiste.
"L'eau est un sujet qu'il aurait fallu réguler depuis de nombreuses années maintenant. Maintenant, mieux vaut tard que jamais. Aujourd'hui, ce sont les usages pour l'eau à boire qui sont menacés. C'est impensable qu'en France on ne puisse pas donner accès à l'eau potable à toute personne", souligne Esther Delbourg. L'objectif aujourd'hui est donc d'optimiser l'usage de l'eau potable pour limiter le gaspillage. "Il faut recycler. Il faut des circuits fermés qui permettent de pouvoir récupérer l'eau. Quand on n'a pas besoin d'eau potable, on pourrait utiliser des eaux usées. Apprendre à transitionner du jour au lendemain, c'est très compliqué. Il faut commencer dès maintenant", alerte-t-elle.
Anticiper, planifier, économiser
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, recevra dès lundi les préfets appelés à prendre les mesures nécessaires pour préserver la ressource en eau avec des consignes claires. Anticiper, planifier, économiser, ce sont les mots d'ordre simples de Christophe Béchu, qui appelle les préfets à ne pas avoir la main qui tremble. C'est-à-dire à prendre les mesures qui permettent dès à présent de faire des économies d'eau, y compris des arrêtés de restriction si cela est nécessaire. Le ministre de la Transition écologique demande de la sobriété aux usagers et de l'innovation aux ingénieurs notamment pour trouver des sources alternatives d'eau.
En parallèle, Elisabeth Borne va activer dès la première quinzaine de mars une cellule interministérielle chargée d'anticiper les risques et les mesures à prendre en cas de sécheresse. Par ailleurs, un grand plan devrait être présenté en mars par le gouvernement. Objectif, libérer et modifier un certain nombre d'usages de l'eau avec des solutions adaptées à chaque territoire. En matière d'agriculture, cela pourrait se traduire par une réflexion sur la nature des variétés cultivées, le développement de retenues collinaires ou de bassines ou encore des modèles d'irrigation au goutte à goutte. Les particuliers, eux, pourraient par exemple se voir accorder l'autorisation de raccorder leurs toilettes à l'eau de pluie.