Le soufflé de La République en marche est définitivement retombé. Alors que la popularité d’Emmanuel Macron est déjà en forte baisse, le résultat des élections sénatoriales de dimanche est venu confirmer que l’état de grâce est terminé. Certes, le mode de suffrage n’était pas favorable au parti majoritaire à l’Assemblée, créé après toutes les élections locales de 2014 (municipales) et 2015 (départementales et régionales), alors même que le cortège électoral est précisément composé en grande partie d’élus locaux. Mais LREM, qui tablait sur une cinquantaine d’élus, doit se contenter d’environ 25 sièges, alors qu’elle en comptait 29 dans l’hémicycle sortant. Un résultat que ne sera pas sans conséquence sur le quinquennat à venir.
- LREM minimise
Forcément, les leaders de La République en marche ont tenté de relativiser l’échec de la soirée. Mais sans tromper personne. "Je ne dis pas que c'est une victoire bien entendu, je souhaitais que nous soyons plus nombreux", a concédé François Patriat sur Public Sénat. "Je pense que l'élection de ce soir est un épiphénomène de la vie politique de notre pays", a rapidement ajouté le président du groupe LREM à la Chambre haute. "Pour ce qui concerne La République en marche, c'est une page blanche que nous avons ouverte, qui continue. Mais la première élection pour La République en marche [au Sénat], ce seront les élections de 2020, quand nous aurons des électeurs En Marche issus des conseils municipaux, des conseils généraux, que nous n'avons pas aujourd'hui."
Plus amère a été la réaction de Bariza Khiari, membre de la direction provisoire de La République en marche. "Ici, pour le moment, ce qui se passe, c'est finalement le dernier sursaut du monde ancien. Parce que les citoyens veulent cette recomposition, elle n'est pas terminée", a estimé la désormais ex-sénatrice de Paris, qui ne se représentait pas.
- Des adversaires revanchards
Le PS en déroute, le PCF sans groupe politique, la droite en baisse… Ces trois pronostics ont été démentis par les résultats de dimanche soir. "On sait qu'on sera autour de 150, une progression inespérée. C'est vraiment une bonne nouvelle", s'est réjoui Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, qui comptait 142 sortants. "On est toujours dans une opposition intelligente et en même temps exigeante. Ce ne sera ni l'obstruction, ni la connivence, ni la complaisance" a-t-il lancé.
Même envie de s’opposer chez le Parti socialiste, où l’heure est au soulagement, avec sans doute plus de 70 députés. Ce sera certes moins que les 86 de la chambre sortante, mais cela confère tout de même aux socialistes le statut de deuxième groupe politique le plus peuplé... "Nous avons fait plus que résister. Ce soir, le PS est au Sénat la première force d'opposition de gauche", s'est félicité le député Luc Carvounas pour qui ces sénatoriales marquent aussi "le retour du clivage gauche-droite".
Pas plus de bienveillance à attendre du Parti communiste, qui a rempli son principal objectif : sauver son groupe, avec entre 11 et 13 sièges dans le futur Sénat. "Une très bonne nouvelle pour tous ceux qui veulent résister aux mauvais coups de la politique de #Macron", a tweeté le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, lui-même réélu à Paris.
Un grpe communiste au sénat, une très bonne nouvelle pr tous ceux qui veulent résister aux mauvais coups de la politique #Macron@crcsenat
— Pierre Laurent (@plaurent_pcf) 24 septembre 017
Avec ce nouveau Sénat, le gouvernement et le président de l’exécutif doivent s’attendre à d’âpres batailles sur les projets de loi à venir. "Le Sénat peut se montrer constructif", a positivé François Patriat. "Tout va se passer loi par loi, texte par texte", a-t-il prédit. "Les réformes de transformation que vont proposer le gouvernement et le chef de l'Etat demain vont être scrutées au Sénat et on trouvera souvent des majorités au fur et à mesure". Mais de toute façon, le plus dommageable n’est pas là pour LREM.
- Un gros chantier pour une majorité des 3/5èmes
Car la vraie mauvaise nouvelle, pour La République en marche, concerne une future révision constitutionnelle. Si la large majorité que le parti présidentiel possède à l’Assemblée lui assure d’avoir toujours le dernier mot sur le Sénat, il n’en est pas de même pour un futur Congrès. Pour faire passer sa révision institutionnelle, qui comprend notamment la baisse du nombre de parlementaires et l’introduction de la proportionnelle aux législatives, Emmanuel Macron a besoin de 555 députés ou sénateurs. Le chef de l’Etat peut compter sur 395 élus à l’Assemblée nationale, il lui en fallait donc 160 au Sénat.
L’objectif était déjà serré en cas de soirée électorale réussie dimanche. Avec ce mauvais résultat, la mission n’en est que plus compliquée. C’est là encore François Patriat, l’architecte du groupe LREM au Sénat, qui sera chargé du chantier. "D'autres personnes viendront rejoindre ce groupe, qui augmentera par rapport à ce qu'il est aujourd'hui", veut croire l’ex-sénateur socialiste. Dans son viseur, des élus socialistes, puisqu’une scission existe entre les pro-Macron et les tenants d’une opposition frontale. Même donne du côté de la droite où, comme à l’Assemblée, des Constructifs pourraient se signaler et faire sécession. Les leaders de LREM doivent maintenant sortir la calculette et gagner des soutiens un à un.