Après trois mois, huit mois et onze jours au ministère de la Justice, Christiane Taubira a tiré sa révérence mercredi 27 janvier. Se pose donc la question de son avenir. Une chose est sûre, il ne se jouera pas, dans les mois prochains du moins, dans une assemblée, qu’elle soit nationale ou territoriale. Car si elle fut députée de Guyane entre 1993 et 2012, elle ne s’était pas présentée lors des dernières législatives. La voilà donc désoeuvrée, privée d’une action politique nationale, pour la première fois depuis 23 ans. Pourtant, les possibilités ne manquent pas.
Se reposer
Christiane Taubira est plutôt du genre hyperactive, mais les 1.351 jours qu’elle a passé en tant que garde des Sceaux ont sans aucun doute été éreintants. Entre l’adoption du mariage pour tous, de la réforme pénale et de beaucoup d’autres textes, et la résistance aux multiples attaques de l’opposition, il y a de quoi sortir de l’exercice épuisé. Christiane Taubira pourrait donc choisir de goûter à un repos bien mérité dans sa Guyane nationale, territoire d’outre-mer dont elle fut longtemps l’élue. Mais même à l’âge de la retraite, 63 ans, il est fort à parier que si repos il y a, il dure bien peu de temps.
Rejoindre la gauche frondeuse et ses amis ex-ministres
C’est l’option qui semble la plus évidente pour Christiane Taubira, marquée très à gauche. En désaccord, sourd puis de plus en plus audible, par rapport à la ligne social-libéral incarnée par le Premier ministre Manuel Valls, l’ancienne députée de Guyane a désormais toute latitude pour rejoindre l’aile frondeuse de la gauche. Dès août 2014 d’ailleurs, elle avait bravé le Premier ministre en se rendant à la réunion des députés frondeurs lors de l’université d’été du PS à La Rochelle. Elle reste très populaire auprès de ces élus et pourrait, même si elle n’est pas députée, devenir leur porte-voix.
Au gouvernement, elle était la dernière de ceux qui se surnommaient eux-mêmes "la bande des quatre". A savoir, outre Christiane Taubira, Cécile Duflot, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, qui tentaient de coordonner leurs sorties médiatiques pour tirer la barre du gouvernement Ayrault à gauche. L’ancienne secrétaire nationale des écologistes avait été la première à partir, lors de la nomination de Manuel Valls, le 31 mars 2014. Les deux autres avaient suivi le 25 août 2014. Pour autant, ces quatre-là, auxquels il faut ajouter Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture, avaient toujours gardé le contact. Ils auront désormais tout le loisir de se voir à volonté. Tous lui ont d'ailleurs adressé un message amical après l'annonce de sa démission
Je salue chaleureusement la décision de courage et de conviction de @ChTaubira : la fidélité à nos valeurs est une force.
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 27 Janvier 2016
Toute mon affection à @ChTaubira, toute ma reconnaissance pour son action à la Chancellerie, tout mon respect pour ses convictions. #Taubira
— benoithamon (@benoithamon) 27 Janvier 2016
Hommage affectueux à Christiane Taubira en fidélité à nos combats. Résister c'est en effet savoir partir, oui. Tu l'as si bien fait.
— Arnaud Montebourg (@montebourg) 27 Janvier 2016
Un seul mot : bravo! Hommage au talent immense, au travail et à l'engagement de @ChTaubira qui marquera l'histoire du @justice_gouv
— Aurélie Filippetti (@aurelifil) 27 Janvier 2016
Ecrire un livre
Férue de belles lettres, Christiane Taubira est aussi écrivaine. Six livres apparaissent dans sa bibliographie, dont le dernier, Paroles de liberté, est sorti en 2014. Selon L’Express, l’ancienne ministre devait sortir en mars prochain un livre, en fait une reprise d’une conférence, intitulée Etre ministre, et devant traiter de la loyauté en politique. Le projet a fatalement un peu de plomb dans l’aile, mais son éditeur, Bayard, ne désespère pas de lui faire ajouter quelques feuillets pour coller à l’actualité politique. De là à l’imaginer écrire un tout nouvel ouvrage sur son expérience Place Vendôme, il n’y a qu’un pas.
Se présenter en 2017
Après tout, les prochaines échéances électorales ne sont pas loin. Christiane Taubira pourrait donc très bien prévoir de se présenter à la députation en Guyane lors des législatives de 2017. Elle n’a d’ailleurs jamais délaissé son territoire, puisque lors des élections territoriales de 2015, elle était présente sur la liste de son parti Walwari, même si c’était en position inéligible. Mais Christiane Taubira pourrait surtout viser plus haut. En 2002 déjà, elle avait concouru à la fonction suprême au nom du PRG. Certes, elle n’avait recueilli que 2,32% des suffrages, mais elle souffrait d’un manque de notoriété et de légitimité qui n’est plus un problème aujourd’hui. Une chose est sûre, si elle choisissait cette option, ce serait un coup terrible pour François Hollande.
Devenir Sage
En février 2016, trois membres du Conseil constitutionnel devront être nommés par François Hollande, président de la République, Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale et Gérard Larcher, président du Sénat. Et si Christiane Taubira était de ceux-là ? Ce serait un bon moyen pour François Hollande de museler son ex-garde des Sceaux, mais il a déjà) prévu d’installer Laurent Fabius, à la présidence de l’instance, qui plus est. Reste le choix de Claude Bartolone. Cela dit, l’hypothèse est fragile. Car l’usage veut qu’une seule des trois nominations soit confiée à un politique. En outre, il est un Sage qui n’apprécierait pas franchement de voir Christiane Taubira siéger à ses côtés : Lionel Jospin lui attribue en effet encore, 14 ans plus tard, son élimination au premier tour de la présidentielle de 2002.