Regardons de près la première semaine de campagne électorale de Christiane Taubira. Une semaine qui était importante puisque, ayant été désignée dimanche soir par la Primaire populaire, Christiane Taubira ne disposait que dix petites semaines pour faire campagne. Pour cela, il fallait que les premières journées de cette course folle vers l’Elysée donnent le la, qu’elles marquent les esprits et qu’elles installent les premiers éléments de langage de la candidate.
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Après tout, elle "envisageait" sa candidature depuis des mois, elle avait beaucoup préparé, avec les organisateurs de la Primaire populaire, son irruption dans la bataille, on s’attendait donc à quelque chose de consistant. Quand on est très préparé, qu’on a une équipe structurée, un programme détaillé, dix semaines, ça peut suffire. Mais ce n'est pas tout à fait ce que j'en ai retenu.
Des interventions catastrophiques
Il faut se rappeler cette petite phrase assassine lancée par Martine Aubry, invitée à réagir à une promesse de François Hollande : "Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup". Cette fois-ci, ce n’est pas un loup mais une véritable meute. Depuis lundi matin, son premier jour de campagne, ses apparitions dans les médias et ses interventions dans des colloques sont catastrophiques. La candidate enfile les banalités, enchaîne les généralités et accumule les erreurs.
Lundi matin, Christiane Taubira passe un grand oral sur une radio du service public, qui n'est a priori pas un territoire ennemi. La voilà partie dans une longue tirade sur l’injustice fiscale, un must, évidemment, avec un tas de chiffres censés être spectaculaires mais qui sont tous au mieux approximatifs, au pire faux.
Les journalistes qui l’interrogent font des têtes incrédules, la relancent, tentent de lui faire préciser ses annonces, jusqu’au moment où elle lâche cette phrase incroyable : "L’objectif, c’est que toutes les personnes qui ont travaillé toute leur vie puissent léguer leur patrimoine sans payer de succession". En somme, cela signifie qu'elle ne taxe plus que les rentiers. Il a fallu aller voir sur son site de campagne pour comprendre que, non, les riches seraient plus taxés (on aurait dû deviner) et que les exonérations de droits seraient portées de 100 à 200.000 euros par enfants. Nuance.
Taubira hésite, bafouille
Mercredi, rebelote, elle intervient sur le logement devant la Fondation Abbé Pierre. Tous les candidats sont là, ou représentés. Tous ont bossé leur dossier. Sauf elle. Mais là, ça atteint le sublime. Elle est d'abord interrogée sur son pataquès autour des droits de succession, et elle répond que oui, on lui a dit qu’il y a avait eu une incompréhension, mais que bon, vous savez ce que c’est, à la radio, à la télé, on doit aller vite.
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Elle se lance ensuite dans un développement lyrique sur le logement (c’est important, le logement), sur les mal-logés (c’est pas bien les mal-logés), et sur l’augmentation du RSA de 30%. On lui fait remarquer que cette hausse ne porterait même pas le RSA au niveau du seuil de pauvreté, et là, c’est le naufrage. Elle hésite, elle bafouille (je ne reprends pas ses termes de peur de donner de la matière à Matthieu Noël), mais je vous livre seulement les réactions qui se sont exprimées en direct dans la salle : "flou", "brouillon", "bla-bla", "creux" et "imprécis".
Il est urgent d'élever son niveau
Il ne reste que neuf semaines à Christiane Taubira pour rôder son discours. Elle va présenter son équipe lundi, ça va donc peut-être changer. Mais il va falloir que très vite, elle rehausse son niveau de jeu. Comme le disait cruellement un dirigeant des Verts, "la poésie, c’est bien gentil, mais ça ne permet pas aux gens de bouffer". C’est sûr, la stratégie qui était de compter sur un effet surprise dans les sondages pour créer à partir de là une dynamique politique, a échoué. Etre candidat, ça ne s’improvise pas, être président encore moins.