Thierry Coste, le lobbyiste qui a précipité la démission de Hulot

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Ce sexagénaire à la tête d'un cabinet de lobbying a participé lundi à une réunion à l'Élysée avec les chasseurs. Sa présence a précipité la démission de Nicolas Hulot.

C'est par lui que la démission est arrivée. Thierry Coste est ce fameux "lobbyiste" dont la présence, lundi soir à l'Élysée lors d'une réunion avec les chasseurs, a ulcéré Nicolas Hulot. En voyant ce sexagénaire "pas invité" à la réception (l'intéressé, lui, assure pourtant avoir reçu une invitation), l'ancien ministre de la Transition écologique, déjà mal à l'aise depuis des mois, a pris la décision de quitter le gouvernement. "C'[était] symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles de pouvoir", a expliqué Nicolas Hulot sur France Inter mardi matin, quelques minutes seulement après avoir annoncé son départ.

Ancien militant écolo. Mais qui est vraiment Thierry Coste ? Un lobbyiste, certes, mais pas seulement. C'est d'abord, et c'est là tout le paradoxe, un ancien militant pour la protection de l'environnement. Celui qui a travaillé dans l'élevage laitier raconte en effet à L'Obs avoir été "l'un des fondateurs de Paysans travailleurs, la première mouture de la Confédération paysanne". Plutôt très, très à gauche. Puis, il a dirigé pendant cinq ans le mouvement Jeunes de la Fédération française des sociétés de protection de la nature (FFSPN), dont est issue l'une des premières ONG écologiste française, France nature environnement (FNE).

Lobbying. C'est peu dire que, depuis, Thierry Coste s'est éloigné de ces milieux, ni assez souples ni assez efficaces selon lui. À la fin des années 1980, il met un pied dans le lobbying en lançant Atout Vert, une société de conseils en stratégie environnementale. Il ne quittera jamais ce domaine et lancera, en 1994, l'agence Lobbying et stratégies qu'il préside encore aujourd'hui.

À l'oreille des politiques. Les affaires marchent vite. Thierry Coste trouve rapidement des oreilles attentives à ses conseils. Et pas n'importe lesquelles. Celles de Mitterrand, d'abord, qui fait de lui son conseiller "feux de forêts". Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy comme François Hollande l'ont reçu pour qu'il puisse plaider la cause de ses clients, notamment les chasseurs. Mais son réseau s'étend bien au-delà, jusqu'aux élus locaux, notamment les présidents de région. À L'Obs, Thierry Coste raconte ainsi avoir conseillé Jean-Pierre Raffarin, à la tête du conseil régional de Poitou-Charente.

" Il est sans foi ni loi, c'est même sa marque de fabrique. "

Intégré à la campagne de Macron. Pour approcher Emmanuel Macron, Thierry Coste passe par François Patriat, le premier (et l'un des rares) sénateur LREM, vétérinaire de profession et chasseur à ses heures perdues. En janvier 2017, lorsque le candidat En Marche! annonce qu'il n'est pas contre la réouverture des chasses présidentielles, organisées à Chambord ou Rambouillet et supprimées par Nicolas Sarkozy, Thierry Coste saute sur l'occasion. Et est intégré deux mois plus tard à l'équipe de campagne, en tant que conseiller sur la chasse et la ruralité, relatent Les Jours. Thierry Coste a misé sur le bon cheval. Emmanuel Macron, lui, espère en profiter pour se fabriquer une image plus proche des territoires, lui qui semble s'adresser d'abord aux urbains et aux classes moyennes et supérieures.

Visiteur du soir. Les deux hommes n'ont pas cessé de se voir avec la victoire de mai 2017, et Thierry Coste était présent le 15 décembre dernier, lorsqu'Emmanuel Macron décide de fêter son 40e anniversaire au château de Chambord, en présence de chasseurs. Il fait également partie de ce club flou des "visiteurs du soir" que le chef de l'État reçoit pour recueillir avis et analyse. Selon lui, il serait même de ces privilégiés qui échangent par SMS "jusqu'à très tard" avec Emmanuel Macron. "Monsieur Coste est reçu à l'Élysée, mais ce n'est qu'un visiteur parmi d'autres…", tempère l'entourage du président dans les colonnes de L'Obs.

"Mercenaire". Le grenouillage dans les milieux de pouvoir a parfois porté préjudice à Thierry Coste. En 2012, furieux de le voir disposer d'un badge de "collaborateur bénévole" qui lui ouvre libre accès à l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, alors au Perchoir, le met à la porte. Par ailleurs, sa capacité à s'allier aux uns et aux autres, de droite comme de gauche, agace considérablement les milieux écolos. Le principal intéressé n'en a cure. "Je vais là où mes intérêts et ceux de mes clients seront le mieux représentés", glisse-t-il dans Le Monde. "On peut dire que je suis un mercenaire, mais moi, au moins, je l'assume."

Thierry Coste n'a que le mot efficacité à la bouche. Ses détracteurs lui reconnaissent volontiers cette qualité, à l'instar d'Allain Bougrain-Dubourg dans L'Obs. Mais le président de la Ligue de protection des oiseaux présente aussi le revers de la médaille : "Il est sans foi ni loi, c'est même sa marque de fabrique. Chacun sa morale."

"J'aime gagner". De morale, Thierry Coste admet en avoir peu. Travailler pour la Russie, le Tchad ou la Turquie ne lui pose pas de cas de conscience. "J'assume totalement d'aider des régimes dits 'autoritaires'", explique-t-il aux Jours. L'homme aime le renseignement, la "manipulation" et, surtout, "gagner". Cela lui arrive d'ailleurs régulièrement. Jacques Maire, ancien directeur de cabinet de la ministre de l'Écologie Dominique Voynet et désormais député LREM, l'a rappelé sur Twitter mardi : c'était déjà Thierry Coste qui avait fait plier Lionel Jospin, le faisant renoncer à restreindre les dates de chasse des oiseaux migrateurs.

Lundi soir, Thierry Coste a remporté un nouveau bras de fer en précipitant le départ de Nicolas Hulot.