Benoît Hamon a remporté une bataille, dimanche soir, mais pas la guerre. Pour le vainqueur de la primaire du PS, qui a nettement écarté Manuel Valls, c’est presque le plus dur qui commence. Le candidat désormais officiellement soutenu par le Parti socialiste à l’élection présidentielle doit empêcher l’éclatement de son parti, menacé sur sa droite par Emmanuel Macron, et concrétiser sa volonté de constituer, avec Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon une "majorité gouvernementale cohérente", selon son expression. La journée de lundi s’annonçait donc chargée pour le député des Yvelines.
- Un rendez-vous crucial avec Cazeneuve
Pour Benoît Hamon, le rendez-vous le plus important de la journée aura sans conteste eu lieu à Matignon. Le candidat à la présidentielle a rencontré le Premier ministre Bernard Cazeneuve pendant près d'1h30. Une rencontre d’autant plus importante qu’avant cela, le chef du gouvernement a rencontré ses ministres, lors d’un petit-déjeuner, et Jean-Christophe Cambadélis, le patron du Parti socialiste, en fin de matinée. Il connaissait donc l’état d’esprit de tout ce beau monde, et a pu en témoigner auprès du candidat.
Pour Hamon, "les bases du rassemblement sont posées". Le député des Yvelines sait donc mieux à quoi s’en tenir. "Je sors de cet entretien satisfait et heureux de voir que les bases du rassemblement sont posées sur des bases extrêmement claires", a-t-il affirmé dans la cour de Matignon après l'entrevue avec Bernard Cazeneuve. Benoît Hamon a aussi affirmé qu'il n'était pas fermé à de nouvelles propositions. "Evidemment que je m’enrichirai de la contribution des uns et des autres. Je ne rentre pas avec une contribution étanche à toute contribution d'autres responsables politiques", a-t-il assuré.
Cazeneuve défend le bilan du quinquennat. Bernard Cazeneuve s'est montré moins enthousiaste quelques minutes plus tard. D'abord, il n'a pas raccompagné le candidat à la présidentielle sur le perron et n'a donc pas offert de poignée de main aux photographes. Et il a voulu parler "clairement et nettement", comme il l'a fait plus tôt, selon lui, avec Benoît Hamon. "La gauche ne pourra l’emporter que si elle est fière d’elle-même, de ce qu’elle a accompli, (elle) ne réussira pas sans assumer le bilan du quinquennat", a-t-il prévenu. Le message est clair.
Une rencontre plus tard avec Hollande. Avec l’autre tête de l’exécutif, François Hollande, la rencontre aura lieu dans le courant de la semaine, probablement. Les deux hommes se sont déjà parlés dimanche soir, à l’initiative du vainqueur de la primaire, et ont convenu de se voir, sans qu’aucune date n’ait été arrêtée. Depuis son renoncement à briguer un second mandat, le président de la République s’est montré très discret pendant la primaire du PS.
- Rassembler au plus vite le PS
C’est la tâche prioritaire de Benoît Hamon : rassembler le Parti socialiste. Et ça commence lundi. Le candidat de la présidentielle va devoir très vite multiplier les gestes en direction de son propre camp, pour éviter une hémorragie de l’aile droite en direction d’Emmanuel Macron. "Je veux commencer par rassembler les socialistes, tous les socialistes, parce que c'est ma famille politique et que j'y ai consacré trente ans d'engagement", a-t-il lancé lors de son discours de victoire. Pour l’heure, les défections sont rares. Mais le temps presse, déjà.
Car la pilule est sans aucun doute amère pour les vallsistes et les parlementaires légitimistes, si souvent en butte à l'obstruction de leurs parlementaires frondeurs ces dernières années. Or, avec Benoît Hamon, c’est bien un frondeur qui désormais est censé les représenter. Le rassemblement s’annonce d’autant plus difficile que ce sont deux lignes profondément antagonistes qui se sont affrontées lors de la primaire. Avec des divergences presque fondamentales sur la société du travail ou la laïcité.
Une hémorragie limitée. Manuel Valls, d'ailleurs a envoyé un mauvais signal en annonçant qu'il ne serait pas présent dimanche lors de l'investiture de Benoît Hamon par le Parti socialiste. Pour autant, la saignée n'est pas encore une fatalité. Le député Philippe Doucet, membre du Pôle des Réformateurs et proche de Manuel Valls, a estimé lundi sur RTL qu'il pourrait y avoir "moins d'une dizaine" de députés, sur la cinquantaine que compte le Pôle, qui rejoignent Emmanuel Macron. "On se voit demain, on va en discuter, mais je pense que ça n'est pas si simple que ça. D'abord parce qu'on ne sait pas ce que pense Emmanuel Macron. Et puis par ailleurs, quand vous êtes un député socialiste élu par des électeur socialistes avec des militants socialistes, vous avez aussi des comptes à rendre à vos propres militants et à vos propres électeurs", a-t-il expliqué.
- Travailler à la fameuse "majorité gouvernementale"
Après ce chantier prioritaire, il faudra se tourner vers les partenaires. On l’a compris, Emmanuel Macron n’est pas celui vers qui Benoît Hamon veut d’abord se tourner, puisque jamais il n’a prononcé le nom du fondateur d’En Marche. "Dès lundi, je proposerai à tous ceux qui se reconnaissent dans la gauche et l'écologie politique, en particulier Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, de ne penser qu'à l'intérêt des Français au-delà de nos personnes. Je leur proposerai de construire ensemble une majorité gouvernementale cohérente et durable pour le progrès social, écologique et démocratique", a-t-il lancé après l’annonce de sa victoire.
Ce rassemblement est loin d’être gagné. Si Yannick Jadot a apprécié que Benoît Hamon place l’écologie au cœur de son projet, il se voit mal composer avec le PS. "Si Benoît Hamon est prêt à s'émanciper d'un Parti socialiste qui n'a jamais fait sa conversion écologiste (...), si Benoît Hamon est prêt à cette grande aventure, moi je militerai, y compris au sein de ma force politique, pour que nous nous lancions aussi dans cette grande aventure de l'écologie et du social", a affirmé, le candidat écologiste sur BFMTV lundi matin.
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a clairement laissé entendre, au cours de la primaire, que jamais il ne s’effacerait au profit du vainqueur du scrutin organisé par le PS. S’il s’est félicité dimanche soir que Benoît Hamon ait "chanté des paroles si proches des nôtres" pendant sa campagne, il a aussi revendiqué l'"hégémonie culturelle" de ses idées. "C'est à nous qui avons porté ce choix tant d'années d'être à la hauteur pour le rendre victorieux, la campagne des ‘Insoumis’, et ma candidature sont là pour cela. Rien que pour cela", a-t-il écrit sur Facebook, dans un message qui n’a rien d’une porte largement ouverte. Pour Benoît Hamon, là encore, il ne faut pas traîner pour tenter de conclure une alliance avec Jean-Luc Mélenchon. La présidentielle, après tout, n’est que dans 80 jours.