Deux gauches difficilement conciliables, pour ne pas dire irréconciliables, se retrouvent l’une contre l’autre. Une gauche qui veut travailler moins, 32 heures, qui veut donner un revenu de base pour tous, au patron, à l’ouvrier ou au chômeur. Une gauche qui veut légaliser le cannabis et prône les peines alternatives plutôt que la prison. La gauche de Benoît Hamon face à une gauche autoritaire, économiquement réaliste, qui a mis en œuvre la baisse des charges pour les entreprises et a déverrouillé les 35 heures avec la loi Travail, celle de Manuel Valls.
Une sanction contre le quinquennat. Ces deux gauches se sont déjà affrontées, fracturées pendant le quinquennat. Elle n’ont pas le même horizon, celle de Benoît Hamon se projette moins dans la présidentielle que dans sa refondation après la défaite quand celle de Manuel Valls veut continuer d’exercer le pouvoir. Néanmoins, pour cette dernière, l’avance de Benoît Hamon dimanche sonne comme une sanction sévère. Ceux qui ont désigné François Hollande il y a 5 ans, largement, le désavouent aujourd’hui, largement. Le rejet de son quinquennat est un élément structurant du vote : à peine un électeur de gauche sur trois a voté Manuel Valls, la force du tandem Hamon-Montebourg repose sur cette volonté revendiquée de tourner la page du quinquennat.
Refonder le PS. Benoît Hamon semblait pris d’une sorte de vertige dimanche soir. Son discours était un peu hésitant, il y a eu quelques lapsus. Son ambition est de reconstruire la gauche, il n'évoque pratiquement pas la présidentielle, il ne la mentionne pas. L’habileté de Manuel Valls c’est de le souligner immédiatement, par une formule assassine : les électeurs ont 'le choix dimanche prochain entre la défaite assurée et la victoire possible". L'ex-Premier ministre joue sur cet enjeu : il s’agit de désigner un futur président de la République, pas un premier secrétaire du PS. Le problème c'est que promettre la victoire à la présidentielle quand vous arrivez deuxième d'une primaire c'est un peu gros.
La ligne Valls grignotée par le phénomène Macron. Quand on additionne les voix de Benoît Hamon et d’Arnaud Montebourg, on se dit que les électeurs ont déjà choisi entre ces deux gauches, en tous cas ceux qui se sont déplacés. Manuel Valls fait un score très faible : deux fois moins de voix que le score cumulé du tandem Hamon-Montebourg, tout cela dans un contexte de faible participation. Comment l’expliquer ? Une hypothèse possible : une partie des électeurs fidèle à la ligne Valls, cette gauche réaliste, libérale sur le plan économique, ne s’est pas déplacée parce qu’elle se projette déjà sur une candidature extérieure, en l’occurrence celle d’Emmanuel Macron, parce qu’elle croit d’avantage en ses chances de gagner et d’exercer le pouvoir. C’est probable et cette hémorragie des troupes socialistes pourrait s’amplifier en cas de victoire de Benoît Hamon, mettant en péril l’existence même du PS.