"Manipulation", "embuscade", "méthodes de voyou"… Après avoir dénoncé mardi soir le procédé par lequel l’émission Quotidien de TMC s’est procuré les enregistrements polémiques de son cours à l’EM Lyon, Laurent Wauquiez a annoncé vouloir "porter plainte et saisir le CSA". Les poursuites du président des Républicains, qui dit "assumer tous [ses] propos", ont-elles une chance d’aboutir ?
L’atteinte à l'intimité de la vie privée condamnable... Si le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dépose effectivement plainte, il faudra se pencher sur l’article 226-1 du code pénal. Celui-ci stipule qu’il "est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait (…) de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel".
Déclaration suite aux propos diffusés par l'émission Quotidien. pic.twitter.com/VyTilABubW
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 17 février 2018
…mais il ne s’agissait pas de propos confidentiels. L’article 226-2 précise aussitôt que les mêmes peines sont prévues pour "le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu via les éléments de l’article 226-1. La diffusion des enregistrements de Laurent Wauquiez peut a priori paraître illégale. Sauf que Laurent Wauquiez s'exprimait dans le cadre d'un cours. "Par nature, ses propos ne peuvent en aucun cas être considérés comme confidentiels", précise l’avocate Delphine Meillet, spécialiste du droit de la presse, auprès de franceinfo.
"Laurent Wauquiez est par ailleurs une personnalité de premier plan, qui parle d'un sujet d'intérêt général, la politique", ajoute Delphine Meillet. "Dans la mesure où il évoque un sujet d'intérêt général, tous les obstacles juridiques sautent." Difficile, dans ces conditions, d’imaginer Laurent Wauquiez obtenir gain de cause lors d’un éventuel procès.
"Sujet d’intérêt général". Au-delà de l’aspect judiciaire, il y a la question déontologique. Les soutiens de Laurent Wauquiez reprochent notamment à l’émission et au journaliste qui a révélé ces enregistrements, Paul Larrouturou, d’avoir contacté des étudiants qui allaient assister au cours de Laurent Wauquiez, comme l’affirme Ouest-France. "Certains reportages télévisés, obtenus par caméras cachées, sont jugés légitimes parce que le sujet est d'intérêt général", ajoute Delphine Meillet à franceinfo. "Il existe des sujets tellement importants que le mode d'enregistrement est valable juridiquement, même si la méthode est contestable moralement."
Pas d’entorse répréhensible à la déontologie ? L’article 226-2 dispose par ailleurs que "lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables."
Il faut donc se référer au CSA, autorité compétente en la matière. Comme le mentionne un journaliste de l’AFP spécialiste des médias sur Twitter, la convention de TMC avec le CSA permet à la chaîne de "recueillir des images et des sons à l'insu des personnes filmées" s’ils "permettent d'obtenir des informations difficiles à recueillir autrement". Ce qui semble être le cas dans le cas présent : Laurent Wauquiez avait prévenu que ses propos à l'EM Lyon ne seraient pas ceux qu'ils auraient pu tenir habituellement dans les médias.
Pour info, TMC (comme tout journaliste) peut "recueillir des images et des sons à l'insu des personnes filmées" si ils "permettent d'obtenir des informations difficiles à recueillir autrement", selon sa convention passée avec le @csaudiovisuel#19hRuthElkriefpic.twitter.com/sLpa7YSkoE
— Taimaz Szirniks (@Taimaz) 20 février 2018
Quotidien maintient sa ligne de défense. Dans l’attente de ces diverses poursuites, Yann Barthès est resté serein, mardi, après les explications de Laurent Wauquiez sur BFM TV : "Quotidien a toujours été respectueux de la vie privée. Sauf que dans ce cas, il s'agit d'une parole publique, d'un homme public face à un public et qui évoquait des sujets politiques. (…) Laurent Wauquiez a annoncé qu'il comptait porter plainte contre nous et saisir le CSA. Et c'est une très bonne chose car on préfère nettement être jugés par la justice que par Laurent Wauquiez. Ça s'appelle l'État de droit."