La contamination de l'aide-soignante espagnole au virus Ebola aurait-elle pu être évitée ? Mardi, un premier cas de transmission de la fièvre hémorragique virale a été détecté en Espagne. La ministre de la santé, Ana Mato, a ainsi demandé dans la foulée l'ouverture d'une enquête. Et pour cause : cette aide-soignante a été infectée après avoir été en contact avec deux missionnaires atteints d'Ebola, malgré les mesures de sécurité mises en place.
Le gouvernement visé. L'opposition et les syndicats tirent eux à boulets rouges sur le gouvernement et parlent d'un "échec national", lié à des "failles" dans le protocole sanitaire pour expliquer la contamination de l'aide-soignante, infectée après avoir été en contact avec deux missionnaires atteints d'Ebola. De plus, trois personnes en contact avec l'aide-soignante ont été hospitalisées mardi après-midi, dont son mari. Pour l'instant, aucun de ces cas suspects n'a été testé positif, mais la polémique fait rage de l'autre côté des Pyrénées.
Une prise en charge pointée du doigt. "Ana Mato, démission", ont scandé plusieurs dizaines de médecins et d'infirmiers devant l'hôpital Carlos-III de Madrid, où sont traités les patients atteints d'Ebola. La raison ? Les syndicats estiment que "tout a été fait à la va-vite". Dans le collimateur des fonctionnaires : la prise en charge des patients atteints d'Ebola. Selon des représentants syndicaux, l'aide-soignante a fait état de fièvre plusieurs jours avant son hospitalisation. Mais elle aurait été renvoyée par son hôpital vers les services de médecine ordinaire. Le directeur de l'établissement s'est défendu en affirmant que les symptômes rapportés ne permettaient pas d'envisager une contamination.
Des équipements insuffisants ? Autre pomme de discorde : les équipements fournis au personnel médical. Car l'infirmière espagnole avait soigné le père Manuel Garcia Viejo, décédé de la fièvre Ebola le mois dernier dans un hôpital de Madrid. David Evans, professeur de virologie de l'Université de Warwick, est catégorique : " La contamination espagnole est préoccupante parce qu'elle suggère que les méthodes de protection n'étaient pas suffisantes pour protéger les travailleurs médicaux". Selon un membre de l'hôpital Carlos-III interrogé par El Pais, le matériel porté par l'équipe soignante était d'un degré de sécurité 2, et non pas de niveau 4 comme préconisé dans pareil cas. En effet, les combinaisons de niveau 4 sont entièrement étanches et permettent de ne pas respirer l'air extérieur.
>> LIRE AUSSI L'INTERVIEW - "Il peut y avoir des cas d'Ebola isolés en Europe"
Le traitement des déchets en question. Pour le Professeur Ben Neuman, expert de l'Université de Reading, les enquêteurs vont devoir se pencher sur le traitement des déchets dans l'hôpital en question. "Les infirmières se trouvent confrontées à des patients qui peuvent produire beaucoup de déchets hautement infectieux via la diarrhée ou les vomissements. Ces fluides corporels peuvent contenir des millions de virus Ebola et il suffit d'un seul pour transmettre l'infection". Il ajoute que l'un des moments les plus délicats se situe au moment du déshabillage du soignant. "Une toute petite quantité de liquide contenant le virus peut avoir été projetée sur le vêtement de protection et transférée sur la peau lorsqu'il l'enlève."
>> LIRE AUSSI : Quel est le risque que la France soit touchée par Ebola ?
La formation des aides-soignants dénoncée. Parmi les autres thèses avancées par les experts figure une formation insuffisante de l'aide-soignante, également dénoncée par l'une de ses collègues."Le seul protocole qu'il y a eu pour nous, c'est un cours de 15 minutes pour expliquer comment on met et on enlève la combinaison", a-t-elle déclaré. Selon plusieurs experts, une formation d'au moins 48 heures est souhaitable pour pouvoir s'occuper de patients atteints d'Ebola. En moyenne, la formation pour les volontaires de la Croix-Rouge envoyés dans les zones touchés par Ebola en Afrique dure huit jours.