Sur Yamaplace, vous pouvez revendre votre rendez-vous médical

LA POLÉMIQUE - Lancée il y a quelques jours, cette plateforme qui ressemble au principe du "Bon Coin", irrite les professionnels de santé.
"Vendez, achetez vos opportunités de rendez-vous médicaux libérés suite à des désistements de dernière minute". Voilà le descriptif officiel de la plateforme Yamaplace , lancée début mars et qui fait le buzz depuis mercredi. Mais la démarche de "vendre" un rendez-vous chez le gynéco, l'ophtalmo ou le dentiste n'est pas bien accueillie par les professionnels de santé.
Avez-vous déjà omis de décommander ? Vos RDV ont de la valeur : vendez, achetez des opportunités RDV sur yamaplace.fr #Yamaplace— yamaplace (@yamaplace) 2 Mars 2015
Quel est le principe ? Concrètement, yamaplace propose de mettre en relation un internaute qui compte annuler un rendez-vous chez le médecin avec un autre qui, au contraire, a un besoin urgent de consulter. Ainsi le rendez-vous est maintenu mais ce n'est pas la personne initialement prévue qui y va, moyennent accord du médecin évidemment mais pas seulement : les internautes proposant leur rendez-vous demandent, en effet, 3 à 10 euros en échange.
"Je suis prêt à payer". Jeudi après-midi, la plateforme comptait une vingtaine d'annonces : certaines pour "revendre" leur rendez-vous médical, d'autres pour en "acheter" un. Une certaine "Darmond", par exemple, domiciliée à Béthune explique : "je vais prochainement changer de région pour mon travail. Je suis donc en passe d'annuler un rendez-vous chez le gynécologue pour le 26/03 à 14h30". Son offre a un prix : 10 euros. A Montluçon, Colette, cherche un rendez-vous chez l'ophtalmo "dès le 16 mars quelle que soit l'heure". "Je suis prête à vous offrir un café pour un bon tuyau", précise-t-elle. En Seine-Saint-Denis, Oboko, lui, annonce qu'il est "prêt à payer" car il a besoin en urgence de voir un ophtalmo avant de partir en vacances.
"Une solution face aux déserts médicaux" ? Jeudi, les créateurs de Yamaplace n'ont pas répondu aux sollicitations d'Europe1. Mais dans Libération, mercredi, l'un des créateurs de la plateforme, Wahib Sali , assume la comparaison avec "Le Bon Coin" et voit dans Yamaplace "une solution face aux déserts médicaux" et aux délais d'attente interminables pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste. Un problème bien réel : d’après une étude Yssup Research pour Groupe Point Vision mise en avant par Yamaplace, il faut compter, en moyenne, 77 jours avant d'obtenir un rendez-vous chez l'ophtalmologue.
La crainte de "dérives". Le Dr Jean Marty, président du Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens Français, n'aime pas le procédé : "un rendez-vous médical, c'est une relation entre un médecin et un patient", a-t-il expliqué à Europe1. Pour lui cette marchandisation est susceptible de conduire à des dérives : "et si des gens bloquent des rendez-vous chez le médecin pour ensuite les revendre?", s'inquiète-t-il.
Une inquiétude partagée par le Dr Jacques Lucas, vice-président du conseil national de l'Ordre des médecins, qui assure avoir déjà des retours de médecins "irrités" par l'initiative. "La solution la plus simple lorsque l'on a un rendez-vous médical à annuler reste de décrocher son téléphone pour appeler son médecin. C'est à lui de réaffecter la plage qui se libère car il connaît ses patients", argumente-t-il en balayant l'argument de "la solidarité" entre internautes.
Un buzz qui cache autre chose ? Alors que le site Yamaplace comporte également des "annonces vétérinaires" et une rubrique intitulée "autres", le médecin s'interroge aussi sur la finalité de la plateforme au-delà du buzz autour de la revente de rendez-vous médicaux. "Yamaplace, c'est un nom générique. A terme, cela peut aussi concerner la revente de places de spectacles ou de matches de foot", relève le Dr Lucas.
Jeudi après-midi, le vice-président du conseil national de l'Ordre des médecins s'apprêtait à adresser un courrier pour alerter la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.