Le tribunal de Metz a condamné mercredi à 10 mois de prison avec sursis et 500 euros d'amende deux sœurs poursuivies pour des centaines d'injections d'acide hyaluronique, une substance utilisée pour gonfler les lèvres. Les jeunes femmes étaient accusées d'avoir réalisé de ce produit sur plusieurs centaines de clientes de janvier 2020 à novembre 2022 dans les villes de Woippy, en Moselle, Paris et Marseille, alors qu'elles n'étaient pas médecins. Elles attiraient leurs clientes en proposant des tarifs d'injection défiant toute concurrence via leurs comptes Instagram "Sisters lips".
Malheureusement, cette pratique est de plus en plus fréquente dans la société. Ce qui pousse les spécialistes à dénoncer les pratiques illégales des injections, qui se font sous le manteau, hors du cabinet médical et sans médecin. Invité dans Bienfait pour vous, le chirurgien esthétique Alexandre Marchac revient sur cette tendance dangereuse et alerte sur les graves conséquences d'une telle pratique.
Des produits autorisés, une pratique illégale
"On parle des produits de comblement", précise le spécialiste de la chirurgie du visage. Depuis une trentaine d'années, la science a compris que le visage se vieillissait en se creusant. Donc, il est possible de le remplir pour le rajeunir. Au début, il y avait des produits très mal supportés par les patients, comme le silicone liquide et certains types de collagènes. "Des produits donnaient des granulomes et des problèmes sur le très long terme", alerte le médecin au micro de Julia Vignali et Mélanie Gomez. Puis, il y a une quinzaine d'années, les spécialistes ont développé les acides hyaluroniques. "Ils sont globalement mieux tolérés. Après, il n'y a pas la même qualité, mais ce sont des produits mieux tolérés et c'est de ça dont on parle puisqu'il y a des gens qui injectent ces produits-là sans autorisation", déplore-t-il.
>> LIRE AUSSI - La chirurgie esthétique sans bistouri !
Concernant ces produits de comblement, ils ne sont pas interdits. "Mais il y a des personnes qui n'ont pas de formation, qui s'improvisent injecteurs ou alors font des formations à la va-vite. J'ai vu une femme qui était ancienne assistante comptable et qui a décidé de changer de vie pour devenir une injectrice avec une formation de 48 heures", constate le médecin. Ces formations sont donc illégales.
Une question d'argent
Cette tendance part d'une histoire d'argent. Les injections de ce type représentent un certain investissement pour les patients, ce qui pousse les personnes à proposer ces services à des prix moins élevés. Mais cela représente tout de même un danger, même si les injections bien faites sont assez peu dangereuses. "Pour un médecin, le taux de complication est de l'ordre de un pour 1.500. Ce sont surtout des complications à terme avec des artères qui se bouchent. Mais ça, ce sont des médecins qui ont au moins trois ans d'expérience. Donc ils savent où se trouvent les vaisseaux et où injecter", rassure Alexandre Marchac. Alors que pour une personne qui n'a pas de formation médicale, elle ne saura pas où injecter et choisira des produits qui sont souvent moins bien tolérés.
Le risque n'est donc pas à négliger. Cela peut occlure l'artère et entraîner une nécrose en aval. "Ce genre de complications, on le voit régulièrement et généralement c'est fait par des personnes qui n'ont pas de formation médicale", déplore le médecin. Pour le chirurgien esthétique, le visage est comme une maison. "Vous n'allez par faire construire par quelqu'un qui n'est pas architecte, qui n'a pas d'assurance et qui n'a pas suivi une formation", ironise-t-il.
Repérer les signes de complications
Afin d'éviter les complications, Alexandre Marchac indique les signes qui peuvent alerter. "S'il y a vraiment une douleur très importante et un changement de couleur de la peau, ça doit vraiment interpeller. S'il y a une zone qui devient bleutée ou au contraire complètement blanche en amont sur la peau, il faut aller dans un service hospitalier de chirurgie plastique", conseille-t-il dans Bienfait pour vous.
Le chirurgien esthétique précise qu'ils ont des antidotes pour l'acide hyaluronique qui s'appelle la hyaluronidase. Injectée régulièrement, elle va faire dissoudre l'acide hyaluronique injecté. "Un produit formidable avec très peu de complications. C'est peut-être, dans tout ce que je fais, la chose où il y a le moins de complications. Mais, il faut le faire selon les règles de l'art. C'est donc un mauvais deal que de le confier à quelqu'un qui n'a pas la formation nécessaire", conclut-il.