Elles devaient être la solution à l'engorgement des urgences et aux déserts médicaux. Les maisons de santé devaient aider à améliorer la prise en charge des patients. Mais force est de constater que l'appel national à manifester ce mardi lancé par quatre syndicats d'urgentistes remet en cause leur efficacité.
Pourtant sur le papier, ces lieux permettent à certains territoires de retrouver une offre de santé, et la garantie pour les patients d'un meilleur suivi, puisqu'une maison de santé doit être composée au minimum de deux médecins généralistes et d'un spécialiste (kiné, dentiste, podologue...). Et le gouvernement croit dur comme fer à leur efficacité, puisqu'il a fait passer leur nombre de 20 en 2008, à plus de 1.200 aujourd'hui. La ministre de la Santé Agnès Buzyn en a même promis 2.000 d'ici la fin du quinquennat. Mais dans les faits, une maison de santé ne règle pas tous les problèmes.
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Pour s'en convaincre, Europe 1 s'est rendu à Varzy, dans la Nièvre, dans l'une des vingt premières maisons de santé de France. Ici, un kiné et un médecin généraliste sont partis à la retraite, tandis que le bureau du dentiste reste désespérément vide. Le bâtiment a perdu son label "maison de santé" et la fin des subventions a entraîné la suppression du poste de coordinateur. "C'est vrai qu'au tout début quand on travaillait avec eux, c'était juste formidable", raconte une infirmière. "On avait des médecins sous la main, au moindre doute ou dès que l'on avait besoin d'une ordonnance, ils étaient là. On avait des réunions toutes les semaines pour parler des patients", se souvient-elle.
Un "logement gratuit" pour attirer les médecins
"Là on ne travaille pas du tout dans les mêmes conditions : on court après les médecins pour avoir des consultations", détaille sa collègue. Et ce manque de médecins a un impact direct sur le service des urgences local : "C'est pas compliqué, on regarde les plannings, on sait que l'on a quasiment trois jours sans personne, donc c'est le 15", résume une infirmière. La maison de santé de Varzy se trouve donc dans un cercle vicieux que seule l'arrivée d'un nouveau médecin généraliste peut arrêter. Mais ce fameux médecin, les deux infirmières confient sans peine qu'elles ne l'attende même plus...
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Alors pour éviter de se retrouver avec une maison de santé dépourvue de médecins sur les bras, certaines villes ont commencé à utiliser d'autres moyens pour les attirer. "Ça peut passer par un loyer, un équipement, voire un logement gratuit", résume Janny Siméon, le président de la communauté de communes Haut Nivernais-Val d'Yonne. "Toutes les formules sont possibles et inimaginables pour attirer les médecins, mais c'est un coup pour la collectivité. Quand on dit gratuit, ce n'est pas pour tout le monde : en zone rurale, les habitants doivent payer pour avoir un médecin, parce que c'est avec leurs impôts que l'on fait venir un médecin, contrairement à d'autres endroits du territoire".
Forcer l'installation de médecins dans les déserts médicaux, une solution ?
Alors qu'un peu moins de la moitié des patients qui vont aux urgences pourraient être soignés théoriquement par un généraliste, le manque de médecins est devenu un élément central de l’engorgement des urgences, et donc une problématique au cœur du projet de loi Ma Santé 2022 qu'Agnès Buzyn présente au Sénat ce mardi. Avec la fin du numerus clausus voté par l'Assemblée nationale en mars dernier, on attend 20% de généralistes en plus. Mais ils ne seront opérationnels que dans 10 ans, le temps de leur formation. Entre-temps, le gouvernement a lancé le recrutement de 400 médecins volontaires pour les zones rurales. Sans compter l'arrivée de la télémédecine en septembre 2018, qui doit aider à lutter contre les déserts médicaux.
Mais à en croire l'association des maires ruraux de France, ces mesures ne sont pas suffisantes. Les édiles de nos campagnes proposent donc de forcer l'installation des jeunes médecins diplômés dans des déserts médicaux pour une période de deux ans. Une idée directement inspirée de nos voisins allemands, mais aussi du Canada, qui a eu un certain succès, en étant alliée à un système d'incitations ou de pénalités financières.