D’après les chiffres révélés par Santé Publique France au printemps dernier, 15% des adolescents présentent un risque important de dépression et 24% des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Sur la période 2018-2022, les collégiens et les lycéens ont ainsi connu une dégradation de leur santé mentale, plus marquée chez les filles. Réseaux sociaux, isolement depuis le Covid, harcèlement scolaire, parents défaillants, ou encore montée des violences physiques et sexuelles… Les raisons de ce mal-être sont multiples.
"C’est une élève qui a envie de se scarifier"
Casque sur les oreilles, Fanny, psychologue, écoute un ado qui vient de rentrer en Seconde. "Comment paraître intéressant pour se faire des amis ?" lui demande-t-il au bout du fil. Mais dans les trois quarts des cas, les jeunes conversent sur la plateforme par message. Elise répond ainsi à une élève qui textote discrètement depuis son collège.
"Là, je suis avec une jeune fille de 14 ans qui raconte que ça ne va pas bien du tout, qu'elle est très angoissée, qu'elle a envie de se scarifier", décrit Elise en lisant les messages reçus à l’instant sur le chat du Fil Santé Jeune. "Elle est à la vie scolaire de son collège, mais là, elle s'est déconnectée parce qu'elle doit partir, ses parents viennent d’arriver", regrette l’assistante sociale qui ne voit tout d’un coup plus aucun message s’afficher sur son écran. "C'est un peu frustrant."
Une prise en charge difficile
Si elle avait eu le temps, Elise aurait orienté la collégienne vers un centre de soin adapté proche de chez elle, en espérant qu’il y ait de la place. "Tous les centres médico-psychologiques, qui prennent en charge gratuitement les patients, sont pleins", déplore Marine, responsable de la plateforme. "Il y a des listes d'attente de parfois 18 mois, et aujourd'hui, on a des jeunes qui ne trouvent pas de professionnels et qui, forcément, reviennent ensuite vers nous pour se soulager un petit peu."
Avant 2021, les questions posées au Fil Santé Jeunes concernaient surtout la sexualité. Aujourd’hui, plus de la moitié des appels et messages relèvent de la santé mentale. Des crises d’angoisse, des épisodes de dépression ou encore une anxiété généralisée conduisent les ados et jeunes adultes à lancer ces appels de détresse.
Ils se disent souvent dégoûtés de leur corps ou de l’image qu’ils renvoient, victime de violences physiques ou sexuelles, et en situation de grande solitude… Un isolement renforcé par une addiction toxique aux réseaux sociaux.