Certains infarctus pourraient-ils être évités ? En France, chaque année, 120.000 personnes sont victimes d'un infarctus du myocarde, précise l'Inserm, l'institut national de la santé et de la recherche médicale. Et cette destruction du muscle du coeur est mortelle pour 18.000 d'entre elles.
Une étude menée sur 135.950 personnes par l'Imperial College de Londres et des chercheurs d'Harvard, publiée fin février, suggère toutefois que certaines victimes pourraient être épargnées si elles étaient mieux diagnostiquées, relève Le Figaro. L'étude met en évidence notamment que certains symptômes de l'infarctus, dits atypiques, parce qu'ils sont plus rares, ne sont pas toujours repérés par le corps médical. Il peut s'agir par exemple d'une douleur dans le dos ou dans la mâchoire ou même de nausées ou de douleurs à l'estomac, dans le cas où le bas du muscle cardiaque est concerné. Ainsi, en Angleterre, 16 % des personnes décédées d'un infarctus entre 2006 et 2010 et dont les dossiers médicaux ont été épluchés par les chercheurs avaient été hospitalisées dans le mois précédent leur crise cardiaque. Mais les symptômes qui ont conduit à leur hospitalisation ne faisaient pas penser à un problème cardiaque.
>> Pour autant, les médecins ont-ils les moyens d'améliorer les choses ? Éléments de réponse avec Jacques Blacher, cardiologue à l'AP-HP.
Comment détecte-t-on un infarctus ?
Les médecins ont tous été formés sur l'infarctus lors de leurs études de médecine générale et en cardiologie. Ils vont s'intéresser d'abord aux symptômes les plus communs, dits typiques (la douleur au milieu du thorax, la sensation de resserrement) et aux symptômes plus rares appelés atypiques, comme un mal de dos, des nausées, des douleurs à l'épaule, une fatigue intense, des palpitations.
Il existe aussi toute une série d'examens biologiques qui permettent de déterminer s'il s'agit ou non d'un infarctus, grâce à la présence dans le sang de certains marqueurs. Les médecins évaluent également si le patient est dit "à risque". Plus la personne est âgée, plus le risque est élevé dans le cas de maladies cardiaques. L'infarctus est également plus fréquent chez les personnes qui fument, font du diabète, de l'hypertension artérielle, ou du cholestérol.
Quels sont les freins à un bon diagnostic?
Plusieurs barrières viennent retarder voire empêcher le diagnostic de l'infarctus. La première, c'est le patient. Il peut avoir des symptômes atypiques et il ne va pas penser qu'il s'agit d'un infarctus ou d'une menace d'infarctus. Il ne va pas consulter ou il va diriger le médecin vers un diagnostic fantasmé. Il peut par exemple expliquer qu'il a aidé quelqu'un à déménager une semaine plus tôt, ce qui explique sans doute le mal de dos. Et si le médecin est pressé, il ne va pas aller plus loin.
C'est aussi une maladie qui peut n'avoir aucun symptôme. Le patient ne se rend pas compte qu'il fait une crise, il ne va donc pas consulter et passer à côté.
La deuxième barrière c'est le diagnostic du médecin...
De temps en temps, malgré la formation, les médecins se font avoir et ne détectent pas le risque d'infarctus. Après une menace d'infarctus, le médecin pratique un électrocardiogramme. S'il constate qu'il est normal et que le patient n'est pas spécialement à risque, il pourra passer à côté du diagnostic.
Comment améliorer les choses?
En France, les patients pensent souvent à appeler un médecin ou les secours lorsqu'ils repèrent certains symptômes. Mais plus les campagnes d'information sont nombreuses et plus les moyens sont importants pour rappeler aux médecins les symptômes, meilleurs seront les diagnostics.
Mais selon moi la priorité est la prévention. Notamment sur le tabagisme et la nutrition, en insistant sur l'importance de privilégier un régime méditerranéen avec des fruits et légumes et de faire du sport. Car la sédentarité favorise le risque d'infarctus.
>> Des symptômes différents chez les femmes ?
Les femmes et les hommes n'éprouvent pas toujours les mêmes symptômes annonciateurs d'une crise cardiaque. Selon la Fédération française de cardiologie, plus de deux tiers des femmes n'éprouvent pas la fameuse douleur thoracique commune chez les hommes. D'autres signes doivent alerter les femmes, soulignent les cardiologues comme une altération de leur état général, une grosse fatigue persistante ou un amaigrissement sans cause apparente, ou encore des symptômes pouvant faire penser à des problèmes digestifs.
"Je ne suis pas certain que les symptômes des femmes soient vraiment différents de ceux des hommes", nuance toutefois Jacques Blacher. "Cependant l'infarctus étant moins fréquent chez les femmes que chez les hommes, bien que les femmes touchées sont de plus en plus nombreuses, les médecins n'y pensent pas systématiquement".