Lors de ses vœux aux représentants des communautés religieuses, Emmanuel Macron avait promis "un vrai débat philosophique dans la société". Les Etats généraux de la bioéthique démarrent jeudi, et s’étaleront jusqu’à juillet. Au programme : des ateliers, des débats, des consultations partout en France, avec pour objectif une révision de la loi de 1994 sur la bioéthique, attendue pour la fin d’année. Médecins, professionnels, associations, élus, Hauts fonctionnaires sont conviés à y participer, au même titre que tout citoyen qui souhaite s’y inscrire (un site internet sera créé à la fin du mois).
Parmi les sujets attendus, se trouve bien sûr l’ouverture de la Procréation médicale assistée (PMA) aux couples de femmes, promesse de campagne du président de la République. Autre sujet majeur qui sera évoqué lors de tables rondes, sans que cela ne se traduise dans la loi : la fin de vie. Mais d’autres sujets, moins médiatisés et tout aussi fondamentaux, seront également abordés. Avec une question en lame de fond : comment se pratiquera la médecine à l’avenir, alors que la technologie ne cesse de progresser et que les données personnelles dans le domaine de la santé se démultiplient sur la toile.
# Protection des données de santé
Qui doit avoir accès aux données de santé ? Ordonnances, feuilles de soin, évolution des prix des médicaments, échantillons de population, efficacité des traitements, effets secondaires constatés sur les patients… Des millions d'informations sur la santé des Français sont, en France, stockées dans les bases de données de la Sécurité sociale. Mais aujourd'hui, très peu d'organismes y ont réellement accès, alors qu’elles pourraient considérablement faire avancer la recherche. Le sujet sera au cœur de ces Etats généraux.
"Les données de santé peuvent poser des questions éthiques importantes, dans leur utilisation ou leur croisement avec d’autres informations médicales, notamment dans le cadre d’une médecine prédictive. C’est notamment le développement du recours à des objets connectés qui pose la question de la transmission de ces données, et de leur collecte et utilisation par des tiers", résume le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Qui rappelle : "les masses de données ainsi constituées (Big Data) créent un risque majeur d’atteinte à la vie privée, en rompant l’anonymat puisque des renseignements très précis, et en continu, sur l’état de santé et autres données personnelles de la personne concernée peuvent être délivrés". Comment faire avancer la recherche sans donner d’informations personnelles sur les patients ? L’équation devra être résolue avant l’été.
#Cellules souches
Peut-on traiter un embryon humain ou des cellules souches humaines comme n’importe quelle cellule destinée à la recherche médicale ? Ce sera l’une des questions abordées lors de ces Etats généraux. Thérapies cellulaires, compréhension de certaines maladies néonatales, nouvelles sources de greffons… Les possibilités de développement thérapeutique à partir d’embryon humain sont nombreuses. Mais "une tension éthique incontestable apparaît entre le respect dû à l’embryon comme personne potentielle et l’importance de poursuivre des recherches dont les résultats pourraient être traduits au bénéfice des patients", commente le Comité consultatif national d’éthique.
# Génétique et génomique
Combien de maladies seraient prévisibles en scrutant notre ADN ? Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à étudier la question. Les techniques d’analyse du génome se développent à vitesse grand V et deviennent de plus en plus accessibles financièrement. "La question est alors de savoir dans quelle mesure il est éthique de mettre à disposition des individus de tels outils prédictifs qui pourraient concourir notamment à une généralisation des dépistages néonataux ou prénataux, dont les bénéfices mais aussi les dérives potentielles sont indéniables", commente le CCNE.
En outre, les analyses d’ADN permettent de rechercher un parent, proche ou lointain, ou de vérifier la paternité d’un individu, avec tous les risques que cela peut entraîner en termes de rupture d’anonymat des donneurs de gamètes, par exemple.
" La présence de robots cognitifs au sein de la société suscite de nouveaux défis éthiques "
Enfin, comment éviter que les informations sur l’ADN ne deviennent des produits commerciaux comme les autres ? Autant de questions que les Etats généraux tenteront de résoudre. Le même type de questions se pose pour les techniques de modification de l’ADN : si ces techniques peuvent faire avancer la recherche, il faudra veiller à ce qu’elles ne tombent pas entre n’importe quelles mains.
#Le don et la transplantation d’organes
Le don d’organes doit-il rester gratuit ? Comment respecter l’anonymat ? Faut-il systématiser le prélèvement de cellules souches sanguines sur les cordons ombilicaux des nouveaux nés ? Face à la hausse des besoins en dons d’organes ou de sang, ces questions se posent de manière plus vivace que jamais.
# Intelligence artificielle et robotisation
Les machines seront-elles les médecins de demain ? Les progrès en robotique avancent à marche forcée dans l’analyse des symptômes, la délivrance de diagnostic, la chirurgie voire même dans la prescription de soins. Mais "la présence de robots cognitifs au sein de la société, qui s’accroît rapidement, suscite à cet égard de nouveaux défis éthiques, notamment sur des questions en matière de sécurité, de respect de la vie privée et de protection de la dignité humaine", rappelle le CCNE. Quelle place - et quel statut – donner aux robots ? Quelle responsabilité en cas d'erreur médicale d'une intelligence artificielle ? Les différents acteurs des Etats généraux devront se pencher sur la question.