"Pour ma 'première fois', j'ai fait l'amour sans capote car ma copine m'avait dit que c'était 'safe'" : en France, comme ailleurs en Europe, les adolescents ont moins recours au préservatif, par déficit d'information, à en croire des experts. Lucas, 19 ans, en BTS audiovisuel, a eu son premier rapport sexuel l'année dernière. Même si son ex-petite amie l'avait assuré qu'elle ne pouvait pas tomber enceinte, il ne s'est pas senti "très serein" le lendemain.
"J'ai commencé à regarder sur internet quels étaient les risques potentiels que je courais", raconte-t-il devant son lycée de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine. Son camarade Yohann (prénoms modifiés) se souvient aussi de sa première fois : "j'avais 15 ans, j'avais mis un préservatif mais il m'empêchait d'avoir une érection, alors j'ai fini par l'enlever".
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Un sujet "tabou"
Selon le jeune homme, la sexualité reste un "sujet tabou" chez les ados. "Et si, à une époque, on parlait beaucoup du sida, aujourd'hui ce n'est plus vraiment le cas. Les infections sexuellement transmissibles (IST), ça fait moins peur, on n'en meurt pas", décrète-t-il.
Selon un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publié la semaine dernière, l'utilisation du préservatif parmi les adolescents sexuellement actifs a baissé significativement en Europe depuis dix ans, avec des proportions de rapports non protégés "inquiétants". Entre 2014 et 2022, le pourcentage d'adolescents ayant déclaré avoir utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel est passé de 70% à 61% chez les garçons, de 63% à 57% chez les filles.
Un relâchement et des freins
En France, parmi les répondants de 15 ans ayant signalé une activité sexuelle en 2022, 30% des filles comme des garçons ont indiqué ne pas en avoir mis lors de leur dernier rapport. "Dans les années 80-90, il y avait des problèmes d'accès au préservatif, qui ont été complètement levés aujourd'hui", réagit Saphia Guereschi, infirmière scolaire et secrétaire générale du syndicat SNICS-FSU.
Depuis janvier 2023, les jeunes de moins de 26 ans peuvent s'en faire délivrer, sans ordonnance et gratuitement, en pharmacie. "Mais il existe d'autres freins", selon l'infirmière scolaire. "En réaction à une société globalement anxiogène, les jeunes prennent de plus en plus de risques", constate-t-elle. "La crainte du sida est retombée, il y a clairement un relâchement ; cela ne veut pas dire qu'il faut faire peur mais il est essentiel de reparler de la nécessité de se protéger", juge-t-elle.
"Il manque une grande campagne nationale sur les droits sexuels et reproductifs, ça fait dix ans qu'on la réclame", déplore aussi Sarah Durocher, la présidente du Planning familial. Obligatoire depuis plus de vingt ans, l'éducation à la vie affective et à la sexualité est dans les faits peu enseignée. Promis en juin 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l'Education, le premier projet de programme scolaire dédié au sujet a été publié en mars. Il devait normalement entrer en vigueur à la rentrée 2024.
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Hausse des IST
"Ca va sans doute rester encore un moment dans les tiroirs", regrette Sarah Durocher. "Pourtant, on a un vrai retour de bâton avec les IST qui progressent", rappelle-t-elle. Depuis le début des années 2000, les infections sexuellement transmissibles bactériennes ont recommencé à augmenter dans les pays occidentaux, après un recul les 20 années précédentes dans le sillage de l'épidémie de sida. Elles ont notamment connu une hausse marquée entre 2020 et 2022 en France métropolitaine.
Depuis lundi, les moins de 26 ans peuvent se faire dépister gratuitement sans ordonnance pour quatre IST, en plus du VIH, dont le dépistage était déjà remboursé. "Une bonne nouvelle", pour Florence Thune, la directrice générale de Sidaction. "On avait beaucoup focalisé les messages sur le VIH ; la baisse d'utilisation du préservatif est liée à une méconnaissance des autres IST", analyse-t-elle.
Selon le dernier sondage Ifop réalisé par son association, seuls 36% des jeunes de 15-25 ans déclarent utiliser systématiquement le préservatif, un tiers seulement parce qu'ils ont effectué des tests de dépistage. "Les outils pour se protéger sont là", reconnaît Florence Thune. "Ce qui manque, c'est une large information sur tous les aspects de la prévention."