Environ quatre heures par jour. Selon les estimations de l'institut eMarketer, c'est le temps qu'un Français de plus de dix-huit ans passe en moyenne sur son smartphone.
Si ce chiffre est l'objet de nouvelles analyses chaque année, c'est parce qu'il est en constante progression. En effet, il y a seulement quatre ans, en 2013, eMarketer rapportait qu'un adulte français passait deux heures et quarante-sept minutes sur son smartphone.
Face à cette évolution, une équipe de chercheurs britanniques et chinois s'est intéressée aux conséquences physiques de l'utilisation quotidienne des smartphones. Leurs travaux, publiés cette semaine dans la revue Muscle & Nerve, ont pour but de prévenir le grand public en révélant un phénomène inquiétant : l'utilisation intensive d'un smartphone augmente le risque de troubles moteurs. Un cri d'alerte déjà lancé par le passé par d'autres études scientifiques.
Endommagement des nerfs et syndrome du canal carpien. Les chercheurs, membres de l'Université polytechnique de Hong-Kong, ont décortiqué le quotidien de 48 étudiants utilisant des tablettes, smartphones, ordinateurs et consoles de jeu durant plus de cinq heures par jour. Afin d'analyser les conséquences physiques de l'utilisation du digital, les scientifiques ont demandé aux participants de compléter des questionnaires. Ils ont également examiné leurs mains et avant-bras grâce à une observation à l’œil nu et par imagerie ultrasonore. Les chercheurs ont ensuite récolté les mêmes données auprès d'un second groupe, composé d'utilisateurs de smartphones moins fréquents.
L'analyse des questionnaires a révélé que 92 % des participants du premier groupe avaient souffert de douleurs dites musculo-squelettiques au cours des 12 derniers mois à l'échelle du corps dans son ensemble. Les individus du second groupe étaient pour leur part seulement 25 % a avoir été victimes de ce type de douleurs. Par ailleurs, aucun participant du second groupe n'évoquait des douleurs récentes dans la main ou le poignet. 45.5 % des utilisateurs fréquent confiaient quant à eux avoir ressenti des douleurs dans ces parties du corps.
Quelles conclusions en tirer ? Pour les auteurs de l'étude, "une des explications est que le design des périphériques implique des mouvements de doigts répétitifs. Cliquer, faire défiler ou glisser, taper et appuyer sur des boutons pourrait bien affecter la force du bout des doigts, les tendons et l'effort musculaire." Selon eux, dans le pire des cas, l'utilisation abusive d'un smartphone peut même être un facteur de risque du syndrome du canal carpien. Cette pathologie touchant le nerf médian se manifeste par un engourdissement, des fourmillements et enfin une perte de force musculaire dans le poignet et les mains.
D'après Peter White, l'un des chercheurs de l'équipe, ces trouvailles "confirment qu'il est capital d'apprendre aux plus jeunes à utiliser les appareils électroniques". Selon ce spécialiste de la santé et des nouvelles technologies, cela est d'autant plus nécessaire que "les enfants et les adolescents sont souvent moins capables d'autorégulation que les adultes".
Le 'cou SMS', possible épidémie de l'ère moderne
Un risque pour d'autres parties du corps. L'étude des chercheurs de l'université hongkongaise fait écho à d'autres travaux menés dans le même domaine de recherche ces dernières années.
En 2014 déjà, une étude publiée dans la revue américaine Surgical Technology International rapportait que l'abus de smartphone nuisait à la colonne vertébrale. Selon Kenneth Hansraj, chirurgien dorsal new-yorkais et auteur de l'étude, plus nous passons de temps sur notre smartphone, plus notre tête est penchée, ce qui provoquerait une pression sur notre colonne vertébrale.
Le chirurgien est allé jusqu'à chiffrer les pressions que reçoit notre colonne vertébrale lorsque l'on se penche sur son téléphone : quand nous inclinons la tête à 30 degrés, notre colonne vertébrale reçoit une pression de 18 kilos. Cependant, si cet angle est de 60 degrés, ce qui est fréquent lorsque l'on consulte son écran, la pression est alors de 27 kilos.
Deux ans plus tard, en 2016, une étude réalisée par des chercheurs américains et chinois et publiée dans la revue Ergonomics liait pour sa part douleurs dans la région de l'épaule et "utilisation intensive" d'un smartphone.
Enfin, au début de l'année, des scientifiques du Centre médical Cedars-Sinai, à Los Angeles, ont révélé que les smartphones pourraient bien changer la manière dont notre épine dorsale se courbe. Selon leurs recherches, des jeunes patients qui ne devraient pas avoir de problèmes au dos et à la nuque sont de plus en plus atteints d'hernies et de déformations dorsales. Leurs travaux, publiés dans la revue The Spine Journal, évoquent le "Text Neck" (littéralement "le cou SMS"), qu'ils qualifient de "possible épidémie de l'ère moderne".
Comment utiliser son smartphone sans pour autant se mettre en danger ? Face à ces risques, il n'existe pas de réelle solution. La seule leçon pouvant être tirée des différentes études serait de ne pas tenir son smartphone trop bas, afin de ne pas avoir à pencher la tête de manière trop franche. Cependant, attention ! Il ne s'agirait pas non plus de le tenir trop haut, ce qui pourrait à terme causer des douleurs dans la région de l'épaule.
En conclusion, le conseil le plus aisé à suivre est probablement de ne pas utiliser son téléphone à outrance et d'arriver à se limiter quotidiennement.