La fonte du permafrost, en libérant des gaz à effet de serre, pourrait mettre à mal les efforts entrepris pour limiter le réchauffement climatique décidés dans le traité de Paris, selon une étude publiée lundi dans Nature Geoscience. Cet accord conclu en 2015 prévoit de contenir ce réchauffement sous 2°C, voire 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle.
L'équivalent de 15 années d'émissions humaines de CO2. Pour y parvenir, les Etats se sont engagés à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles. Mais la Terre pourrait faire des siennes et contrecarrer ce projet. Des experts de l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), basé en Autriche, ont inclu pour la première fois les émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être relâchés par le permafrost, ces sols gelés en permanence, dans des modélisations du changement climatique. Le résultat est inquiétant. Le permafrost couvre environ 25% des terres de l'hémisphère nord, notamment en Russie et au Canada. Les quantités de méthane et de CO2 qu'il emprisonne correspondent à environ 15 années d'émissions humaines.
Une fonte aujourd'hui lente... "Par le passé, le changement climatique n'était pas suffisant pour déclencher le processus de dégel dans les hautes latitudes", explique Thomas Gasser, chercheur à l'IIASA et auteur principal de l'étude. Avec des températures moyennes supérieures de 1°C par rapport à l'ère préindustrielle, le permafrost a commencé à fondre, mais lentement.
... mais qui va s’accélérer. Le phénomène va toutefois s'accélérer avec le réchauffement de la planète. D'autant que le monde n'est pas sur la bonne trajectoire pour respecter les objectifs de l'accord de Paris, qui pourraient être dépassés à court ou moyen terme.
L'objectif de 1,5°C déjà hors de portée. Selon cette étude, avec la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre relâchées par le permafrost, l'objectif de 1,5°C serait déjà hors de portée. "Nous devons nous préparer à l'éventualité que nous ne puissions peut-être jamais revenir à des niveaux plus sûrs concernant le réchauffement", avertit Thomas Gasser. Un problème des objectifs de l'accord de Paris est qu'ils reposent sur l'hypothèse que le taux de CO2 dans l'atmosphère et les températures vont évoluer au même rythme, selon le scientifique. Autre faiblesse : l'accord table sur le captage et le stockage du CO2, des techniques qui ne sont pas encore au point.
Risque d'un point de non retour. Le permafrost pourrait connaître ce que les scientifiques appellent un point de basculement : au-delà d'une certaine hausse des températures, il continuera à fondre et à relâcher des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, peu importe la baisse des émissions. "Il existe le danger que, plus nous allions de l'avant, plus nous risquions de déclencher des phénomènes que nous ne comprenons pas", avertit Thomas Gasser.