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Neutrino en Méditerranée : a-t-on découvert une particule provenant d’une autre galaxie ?

Maud Baheng Daizey . 3 min
Neutrino en Méditerranée : a-t-on bel et bien découvert une particule d’une autre galaxie ?
Neutrino en Méditerranée : a-t-on bel et bien découvert une particule d’une autre galaxie ? © Terry Virts / NASA / AFP

Mercredi 13 février, le télescope immergé en Méditerranée KM3NeT a détecté une particule appelée neutrino, qui pourrait provenir d’une autre galaxie. Voici tout ce qu'il faut savoir sur le neutrino, et pourquoi cette découverte pourrait changer la perspective des astrophysiciens.

Un phénomène exceptionnel a illuminé la Méditerranée et les recherches des astrophysiciens du monde entier le 13 février : un électron lourd produit par un neutrino a été repéré par le télescope Neutrino KM3NeT au large de Toulon. Il avait une énergie de 200 millions de milliards d'électronvolts, un chiffre encore jamais observé sur Terre. 

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"Il faudrait qu’on vive 100 ans pour qu'un neutrino daigne interagir avec nous"

Le neutrino est une particule qui traverse notre Terre et très souvent notre corps sans que l’on puisse le remarquer. "Le neutrino fait partie de la famille des électrons, ç’en est un cousin", explique Kumiko Kotera, directrice de l’Institut d’Astrophysique de Paris et auteure du livre "L’univers violent - Trou noir, supernova, pulsar : les phénomènes extraordinaires du cosmos", aux éditions Albin Michel. "À chaque seconde, nous sommes traversés par 100.000 milliards de neutrinos dans notre corps. Et il faudrait qu’on vive 100 ans pour qu'un neutrino daigne interagir avec nous."

Leur particularité ? "C'est une particule de la matière ordinaire, mais très spéciale, avec une masse très faible." Ils sont produits par pelletées dans le soleil, mais le neutrino récemment détecté dispose d'une énergie plus de 100 milliards de fois supérieure.

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Également à la tête du projet international "Giant Radio Array for Neutrino Detection" (GRAND), pour déceler ces particules grâce à des dizaines de milliers d’antennes dans le monde, Kumiko Kotera assure qu'il n'est pas évident de certifier pour l’heure la provenance de ce neutrino.

"100 milliards de fois l'énergie des neutrinos envoyés par le soleil"

Pour qu’un tel neutrino soit créé, il faut une quantité astronomique d’énergie, comme l'explosion d'une supernova extrême, la fusion de deux étoiles à neutrons ou encore l'activité autour des trous noirs supermassifs. Et s’il ne provient pas d'un de ces évènements, le neutrino a potentiellement été produit lorsqu'une autre particule d'ultra haute énergie comme un rayon cosmique, a pénétré notre atmosphère.

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"Que ce neutrino en Méditerranée provienne du cosmos ou de notre atmosphère, une telle singularité est extrêmement rare", certifie Kumiko Kotera. Passé l’engouement, l’astrophysicienne au CNRS s’interroge : "Il n’y pas eu d’événement majeur de ce type concomitant dans le ciel selon nos observations, et ça n'a jamais été perçu auparavant."

L'observatoire astronomique IceCube a effectivement déjà amassé des données sur le neutrino depuis une décennie sans pour autant repérer une manifestation similaire. Situé en Antarctique, il est composé "d’un bloc de glace instrumenté d’un kilomètre cube de capteurs de lumière, à plusieurs kilomètres de profondeur. C'est comme une guirlande lumineuse", relate Kumiko Kotera. Là-bas, "ce sont des neutrinos qui font 10 milliards de fois l'énergie des neutrinos envoyés par le soleil."

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Le Télescope Neutrino, immergé en Méditerranée, est quant à lui le fruit de la collaboration de 350 scientifiques venus de 21 pays. Dix fois plus petit qu’IceCube au moment de la détection et encore en construction (pour atteindre une taille similaire), il est réparti sur deux sites : ARCA, dédié à l'astronomie des hautes énergies, à 3.450 mètres de profondeur au large de la Sicile et ORCA, pour étudier les propriétés fondamentales du neutrino, à 2.450m de profondeur au large de Toulon. 

Le 13 février 2025, un muon, électron lourd produit par un neutrino, traverse plus d'un tiers des capteurs actifs d’ARCA. "Il se passe quelque chose de très particulier : des milliers de capteurs s'allument le long des filins. Est-ce une baleine cosmique ? Non, c’est une particule subatomique super énergétique", explique l’experte.

Les scientifiques auraient ainsi mis en évidence "une particule qui pourrait vraisemblablement être un neutrino d’ultra-haute énergie. KM3NeT a été construit pour détecter des neutrinos comme IceCube, mais ici, il s’agit d’une particule qui a 100 à 1000 fois l’énergie des particules qu’on voulait repérer en premier lieu."

Pourra-t-on résoudre le mystère ?

Ainsi, la révélation en Méditerranée a permis de mettre en lumière le muon le plus énergétique jamais détecté, une particule cousine de l’électron et la fille d’un neutrino. "C'est extrêmement excitant. S’il y a un muon, il y a très certainement un neutrino, avec un taux d’énergie jamais vu. Mais d'où viendrait-il ?"

Le mystère reste donc entier, de même que la curiosité des astrophysiciens. Pourra-t-on bientôt le résoudre ? C’est ce qu’espère la directrice de l’Institut d'Astrophysique de Paris, qui se réjouit de l’évènement et parle d’un "gros projecteur sur les neutrinos et nos recherches." Ce pourquoi Kumiko Kotera plaide pour la construction d’un détecteur géant dédié aux neutrinos d'ultra-haute énergie. "Il faut absolument aller à la chasse, c’est notre univers ! Cette découverte ouvre un nouveau champ, il y a là quelque chose de prometteur."